Les sols vivants, un bien public mondial

La santé de nos sols est un enjeu majeur pour les décennies à venir et pour le futur de l’agriculture. À l’occasion de l’édition 2019 du Forum Planet A dont la Fondation Jean-Jaurès est partenaire, son président Henri Nallet et son directeur général Gilles Finchelstein signent cet appel, aux côtés de scientifiques, observateurs et travailleurs du sol, pour que la protection des sols devienne une priorité des autorités européennes et internationales.

« Préserver et restaurer les écosystèmes terrestres y compris  les sols et les forêts, en veillant à les gérer de façon durable, lutter contre la désertification, éviter et inverser le processus de dégradation des sols et de la biodiversité » : c’est un des 17 objectifs de développement durable, adoptés par l’Assemblée générale des Nations unies en 2015.

Pour nous, scientifiques, observateurs et travailleurs des sols, c’est une injonction vitale. Le sol, cette mince couche de matière, lien entre la surface de la croûte rocheuse de notre planète et l’air qui l’entoure, est l’essence même de toute vie terrestre. Il retient l’eau, recycle les éléments et les déchets organiques, nourrit la flore et la faune, produit notre alimentation, contribue activement à séquestrer le carbone, offre une résilience aux stress climatiques et abrite des organismes, qui représentent un quart de la biodiversité de notre planète.

La santé des sols est essentielle à toutes les espèces et à tous les écosystèmes. Leur dégradation met toute la chaîne du vivant en danger : sécurité alimentaire, qualité de l’eau, qualité de l’air,  capacité à amortir les changements climatiques, coexistence pacifique entre les peuples. Mais leurs équilibres sont fragiles, leurs ressources limitées et non réplicables.

Nous n’avons plus le temps d’attendre que la nature restaure un équilibre des sols. Aujourd’hui, en dépit de la dynamique impulsée par nombre d’agriculteurs, un tiers des sols mondiaux est dégradée. Déforestations, bétonisations, intensifications agricoles, pollutions chimiques : les activités humaines accélèrent et aggravent encore les érosions et salinisations qu’elles causent et qui appauvrissent la terre jusqu’à la tuer. Inverser ce processus est essentiel.

Pour que notre planète reste vivante, il est urgent de protéger les sols par un accompagnement institutionnel et par des dispositifs incitatifs. Il est urgent de dépasser les simples règles peu dissuasives de pollueur-payeur. Il est urgent de prendre des mesures concrètes et fortes pour encourager la transition agro-écologique, seule apte à nourrir durablement la planète et à lutter contre le changement climatique.

La protection et la régénération des sols est une responsabilité morale de l’humanité vis-à-vis la planète. Leur usage durable est un devoir vis-à-vis de nos enfants et des générations à venir. 

Nous, agriculteurs, chercheurs, professeurs, entrepreneurs, décideurs politiques, représentants de la société civile, signataires de cet appel, appelons solennellement les autorités européennes et internationales à agir en faveur de la reconnaissance des sols vivants comme bien public mondial.

En particulier, l’Europe doit inscrire à son agenda, dans le cadre d’une politique en faveur de l’agriculture et de l’environnement, un projet concret et ambitieux pour protéger ses sols, ses terres et ses territoires. L’Union européenne doit porter cette ambition au moment des grandes conventions environnementales des Nations unies et dans toutes les enceintes internationales relatives aux objectifs de développement durable.

Signataires : 

  • Benoist Apparu, ancien ministre, maire de Châlons-en-Champagne et porte-parole de Planet A ;
  • Claire Chenu, enseignante chercheure à AgroParisTech ;
  • Jean-Luc Chotte, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) ;
  • Gilles Finchelstein, directeur général de la Fondation Jean-Jaurès ;
  • Benoît Grimonprez, professeur de droit à l’Université de Poitiers, co-auteur de La terre en commun. Plaidoyer pour une justice foncière (avec Dominique Potier et Pierre Blanc, Fondation Jean-Jaurès, juin 2019)
  • Rattan Lal, professeur des sciences du sol, co-récipiendaire du prix Nobel de la paix 2007 ;
  • Stéphane Le Foll, maire du Mans, ancien ministre de l’Agriculture ;
  • Paul Luu, secrétaire executif de l’initiative « 4 pour 1 000 » ; 
  • François Mandin, agriculteur, président du réseau APAD ;
  • Mike Parish, directeur Health Soils Australia ;
  • Jean-Pierre Rennaud, président du comité scientifique de l’association Planet A ;
  • Thomas Ribémont, président d’honneur d’Action contre la faim.

 

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