Passionnés, détracteurs, partagés

Sur Emmanuel Macron, les Français sont-ils passionnés, détracteurs ou partagés ? Gilles Finchelstein et Brice Teinturier analysent le rapport des Français à leur président à partir des résultats de l’enquête « Bilan d’un an de présidence d’Emmanuel Macron » réalisée pour Ipsos, Le Monde, le Cevipof et la Fondation.

Dans leur rapport à Emmanuel Macron, les Français peuvent être classés en trois catégories de poids inégal. Il y a 33% de « passionnés ». Il y a 39% de « détracteurs ». Il y a 28% de « partagés ». Au-delà de leur poids respectif, ce sont les profils très différents de ces catégories qui sont intéressants.

Les « passionnés » apprécient « à la fois son action et sa personnalité ». Qui sont ces supporters enthousiastes – et, il faut le souligner, plus nombreux que les électeurs du premier tour du candidat Macron ? Démographiquement, ils sont plutôt âgés (37% chez les plus de 65 ans contre 33% en moyenne). Sociologiquement, ils sont nettement plus aisés – cadres supérieurs (42%), gagnants plus de 6 000 euros (48%) – et nettement plus diplômés (40% des Bac +4 ou plus contre 25% seulement des sans diplôme). Géographiquement, on les trouve davantage dans les Pays de la Loire (35%) ou la Bretagne (36%) mais à peine plus dans les grandes villes que dans le rural (2 points de différence seulement). Électoralement, ce sont ceux qui ont évidemment voté pour Macron mais ils se recrutent aussi beaucoup (42%) chez les électeurs de Fillon et même, de manière non anecdotique, chez les électeurs de Le Pen (16%), de Hamon (16%) et de Mélenchon (13%). Ce qui séduit les « passionnés », plus encore que la moyenne des Français ? Dans l’action, la réforme de la SNCF (+22 points que la moyenne) et du code du travail (+11 points). Dans l’image, la présidentiabilité, l’efficacité, la bonne image portée de la France à l’étranger, l’honnêteté et la sympathie.

En face d’eux, il y a les « détracteurs » – ce sont les opposants, un peu plus nombreux et tout aussi déterminés, qui rejettent « à la fois son action et sa personnalité ». Leur profil est simple : c’est, de manière fascinante, le symétrique rigoureusement inversé des supporters : plutôt jeune (42% des 18-24 ans contre 39% en moyenne) ou âgé de 50 à 64 ans (42%), employé ou ouvrier (44% et 45%), habitant la Franche-Comté (47%) et l’Auvergne (47%, avec un effet Wauquiez évident), peu diplômé (46% des sans diplôme), doté de revenus parmi les plus modestes (51% de ceux dont le foyer gagne moins de 1250 euros et 43% de ceux qui gagnent entre 1500 et 2000 euros), électeurs de Mélenchon (58%), de Hamon (50%) et de Le Pen (58%). Ce qu’ils rejettent, davantage que la moyenne des Français ? Dans l’action, la hausse de la CSG mais, plus significativement, la réforme du code du travail (+11 points) et de la SNCF (+7 points). Dans l’image, tout particulièrement, le reproche d’être peu sympathique, d’une forme de mépris et la faible capacité à comprendre les problèmes des gens – en un mot, une distance de classe.

Entre les passionnés et les détracteurs, il y a les « partagés » – ces 28% de Français dichotomiques en ce qu’ils se divisent eux-mêmes en deux sous-catégories.

Il y a, d’un côté, ceux qui apprécient « sa personnalité mais pas son action ». Ils pèsent 18%. Ce qu’ils apprécient tout particulièrement, c’est la bonne image de la France portée à l’étranger (+10 points par rapport à la moyenne), la modernité (+9 points), la présidentiabilité (+8 points) et l’énergie (+8 points). Ces dimensions personnelles, vectrices de fierté, viennent atténuer une action politique jugée négativement. Et elles permettent d’agréger sur un spectre large – même si c’est surtout la gauche qui est davantage concernée : aux alentours du quart des électeurs de Mélenchon et de Hamon et aux alentours de 15% des électeurs de Fillon et de Le Pen se situent dans cette catégorie.

Il y a, d’un autre côté et à l’inverse, ceux qui apprécient « son action mais pas sa personnalité ». Ils pèsent 10%. Ils se recrutent pour leur part davantage à droite – comme en témoigne leur positionnement sur une échelle gauche-droite. Ils apprécient de ce fait plus significativement que la moyenne la réforme de la SNCF (+15 points) mais, aussi, un contrôle accru des chômeurs (+9 points) et l’évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes (+7 points). Ils n’aiment pas la personne de Macron, mais reconnaissent et apprécient plus que la moyenne sa capacité à vouloir changer les choses, la bonne image de la France portée à l’étranger et une manière différente de faire de la politique.

En définitive, trois enseignements peuvent être tirés.

Le premier concerne le positionnement du président de la République et la forte séduction exercée sur les électeurs de François Fillon – entre les 42% de « passionnés » et les 31% de « partagés », ce ne sont que 27% des électeurs de l’ancien Premier ministre qui se classent dans les « détracteurs » – c’est dire l’étroitesse de la cible visée par Laurent Wauquiez.

Le deuxième concerne le jeu de l’action politique et de l’image personnelle du président de la République. 43% des Français apprécient l’action d’Emmanuel Macron, 57% ne l’apprécient pas. 51% apprécient sa personnalité, 49% ne l’apprécient pas. C’est donc plus l’action du président qui divise et sa personnalité qui rassemble.

Le troisième explique le succès relatif, un an après, de la martingale présidentielle : au-delà du premier cercle de supporters – qu’il a élargi –, il a réussi à conserver dans un second cercle des électeurs de gauche qui apprécient sa personnalité et des électeurs de droite qui approuvent son action. Pour l’instant !

 

 

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