Premier débat présidentiel : Clinton démasque le véritable Trump

À quelques semaines du scrutin présidentiel et alors que l’écart entre les deux principaux candidats s’est resserré dans les sondages, le premier débat a peut-être permis à la candidate démocrate de s’imposer davantage.

Des focus groups​, en passant par l’avalanche d’analyses libérales et conservatrices, mais aussi au regard de la réponse des marchés financiers, la tonalité générale au lendemain de ce débat est que Hillary Clinton en est sortie gagnante. Ce résultat devrait améliorer sa cote dans les sondages. Ainsi, Nate Silver – le statisticien faisant office d’oracle électoral – prédit que les chances de victoire de la candidate démocrate vont s’améliorer. Les démocrates semblent reprendre confiance après plusieurs semaines difficiles pour la candidate, marquées par un resserrement des courbes des sondages ainsi que par des questions sur la santé d’Hillary Clinton.

Néanmoins, il ne serait pas raisonnable de sous-estimer les points marqués par Donald Trump, surtout au début du débat. Ainsi, le magnat a été plutôt efficace lors des vingt premières minutes en se présentant comme le candidat hors système. Celui-ci, dans une logique populiste évoquant celle de Silvio Berlusconi, récusa violemment les arguments de Hillary Clinton sur la base qu’ils viennent d’une professionnelle de la politique. Naturellement, l’ironie que la remarque vienne d’un businessman ayant fait faillite à de nombreuses reprises n’a pas échappé à la candidate démocrate.

Le candidat républicain fut aussi percutant sur la question du libre échange, une politique de plus en plus impopulaire aux États-Unis. Ainsi, Donald Trump s’est attaqué à l’accord Nord Américain NAFTA (ALENA) et aux revirements de Hillary Clinton sur le Partenariat Transpacifique (TPP). Donald Trump a décrit avec une certaine conviction la détresse des travailleurs américains ayant la perception que les accords de libre échange les ont appauvris. Cette tactique poussa la candidate démocrate à une réponse quasi panglossienne, mettant en avant les créations d’emplois à la fois pendant la mandature de son mari et celle du président Obama, mais passant un peu vite sur les difficultés rencontrées par de nombreux Américains. Lorsque Donald Trump revint à la charge, la démocrate éluda d’un faiblard « c’est votre opinion ». En tout et pour tout, ce ne sont que les deux points positifs que le candidat républicain puisse prétendre avoir remportés.

Or, passées les vingt premières minutes, Donald Trump montra son véritable visage : nerveux, incohérent, incapable d’exposer clairement un argument, inapte à désamorcer une attaque, prompt à s’embourber dans des arguments peu clairs, préférant s’exprimer agressivement que de débattre. Il coupa ainsi la parole de Clinton à vingt-neuf reprises. La condescendance paternaliste avec laquelle il s’adressait à Hillary Clinton n’était pas digne d’un candidat qualifié par son parti pour l’élection présidentielle. C’est d’ailleurs la saillie de la démocrate contre le sexisme patenté de Donald Trump qui poussa le candidat à se justifier laborieusement d’insultes misogynes dans les dernières minutes du débat.

Même si les « fact-checkers » croulèrent sous la quantité de mensonges proférés par le républicain, et de quelques contre-vérités de Hillary Clinton, la valeur ajoutée de ce débat fut surtout une mise en lumière de deux tempéraments. Cette dernière, sérieuse, appliquée, évacuant adroitement la question de ses emails, son sourire presque stressé au début de l’échange se libéra dans la deuxième partie du débat pour moquer ouvertement la grossièreté de son adversaire. Donald Trump n’assume même plus ses théories du complot et n’a pas évoqué son projet de mur à la frontière mexicaine. Il fut par ailleurs frappant de remarquer la pauvreté de ses réponses. Non seulement il ne semblait avoir rien préparé, mais il a en plus manqué de nombreuses opportunités de tacler Hillary Clinton, ce qui lui a valu peu d’éloges de la part des pontes du parti républicain.

Le seul fait que Donald Trump soit présent face à Hillary Clinton ce 26 septembre devait être une victoire de « l’Alt-Right ». Après des années à combattre le parti républicain dans les bas-fonds des forums libertariens, cet échange devait être le moment où l’Alt-Right devait devenir réellement présentable via la confrontation de son candidat avec celle qui semble personnifier le mieux le mal à leurs yeux : une femme, membre de l’establishment, critique vis-à-vis de la Russie, « globaliste », etc.

Une fois sur le plateau, au lieu d’apothéose, Donald Trump a démontré que l’Alt-Right, qui voulait se présenter comme une alternative solide au parti républicain, est en réalité une véritable farce. La mise en lumière par Hillary Clinton de ce mélange incohérent que constitue l’univers perpendiculaire de l’Alt-Right devrait condamner les « trolls » trumpistes à rester dans les abysses d’internet. En 2002, la qualification de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour de l’élection présidentielle fut largement décrite comme étant l’apogée de la carrière politique du leader d’extrême droite. Au vu du nombre de citoyens américains semblant adhérer aux thèses toxiques du candidat républicain, espérons que ce débat marque le début de la fin de l’aventure politique de Donald Trump.

 

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