Élections suédoises 2014 : résultats et enjeux

Au lendemain des élections générales en Suède, Christophe Premat et Cyril Coulet analysent la victoire, d’une courte tête, des sociaux-démocrates, dans un contexte d’évolution rapide de la société et de la scène politique suédoises.

Avec un endettement public de 40,6%, un taux de croissance de 2,4% et le taux de pauvreté le plus bas d’Europe en 2013, la Suède fait office de référence dans les comparaisons internationales. L’élection qui vient d’avoir lieu met toutefois en lumière les difficultés de plus en plus prégnantes du pays, à l’image des violentes émeutes urbaines de 2013. La victoire des sociaux-démocrates avec un score de 31,2%, devant les conservateurs à 23,2%, n’a pas empêché la poussée de l’extrême droite qui a réalisé un score de 12,9%. Stefan Löfvén, s’il devient Premier ministre, aura la lourde mission de constituer un gouvernement d’union – il pourra s’appuyer sur le score de la gauche qui est de 43,7% – allant de partis d’extrême gauche à un parti d’opposition.
L’évolution des questions politiques permet de comprendre les enjeux de l’élection. En effet, certains sondages montrent la demande croissante d’intervention publique dans le domaine des problématiques sociales ainsi qu’une évolution dans la hiérarchisation des priorités des électeurs depuis les précédentes élections. En outre, l’analyse des évolutions de la société suédoise permet d’éclairer le processus de recomposition de l’espace politique.
Les émeutes urbaines de 2013 ont souligné l’importance de la concentration de populations immigrées dans les banlieues suédoises. Les évolutions sociales et urbaines des années 1970 ont renforcé le processus ségrégatif entre les classes moyennes suédoises quittant ces banlieues et l’arrivée de populations immigrées liées à une généreuse politique d’asile en provenance d’Asie et du Proche ou Moyen-Orient.
Le chômage et les inégalités sociales n’ont cessé de croître depuis les années 1980. Durant les années 1990, les politiques ont mis l’accent sur l’amélioration du taux d’activité, ce qui s’est traduit par une flexibilité accrue de l’emploi et par un durcissement des conditions d’octroi de l’allocation chômage. Mais les Suédois restent inégaux devant le chômage, qui touche en priorité les jeunes et les populations immigrées.
De même, le marché de l’emploi contribue à reproduire les inégalités – temps de travail, rémunération et stabilité – entre les descendants de parents suédois et ceux de parents immigrés. L’éducation et la formation sont donc devenues des questions politiques prioritaires pour les électeurs. Enfin, la Suède faisant face au vieillissement de sa population, l’accompagnement des personnes âgées et en perte d’autonomie est aussi devenue une question prioritaire.
L’élection générale a en outre affirmé la recomposition du paysage politique en deux blocs, l’un de centre-droit, dit Alliance pour la Suède, et l’autre de gauche avec les Verts et le Parti de gauche, héritier du parti communiste. L’extrême droite est laissée de côté mais dispose d’une influence croissante dans l’agenda politique. Enfin, la continuité de la politique économique depuis le début des années 1990 par-delà les alternances politiques montre l’affaiblissement des syndicats au profit des économistes comme experts de l’aide à la décision.

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