Séisme politique au Labour britannique

Le 12 septembre 2015, après trois mois de campagne interne, les militants, sympathisants et élus du Parti travailliste britannique ont choisi Jeremy Corbyn comme nouveau dirigeant. Une personnalité qui détonne dans le paysage lisse de Westminster, et dont l’élection ouvre de nombreuses questions.

Le 12 septembre 2015, le député Jeremy Corbyn a été élu dirigeant du Labour et chef de l’opposition avec plus de 59,5 % des voix. Il représente la partie la plus à gauche du Parti et tranche radicalement avec la politique centriste des travaillistes de ces vingt dernières années. Quelle analyse peut-elle être faite de cet événement ?
Jeremy Corbyn siège à la Chambre des Communes depuis 32 ans et se démarque par ses nombreux votes contre la ligne de son parti, mais aussi par son mode de vie plutôt modeste. Parmi les 650 députés, il est aussi celui qui a le moins de frais professionnels.
Son programme se fonde sur dix propositions ancrées à gauche et contre l’austérité ; certaines correspondent à une nouvelle vision de la politique, d’autres sont plus concrètes. Il propose, par exemple, la renationalisation des chemins de fer, le désarmement nucléaire, ou la création d’une banque nationale d’investissement.
Son élection se déroule dans un contexte particulier : celui de la défaite du Parti travailliste aux dernières élections législatives (avril 2015) et de la réforme du mode d’élection du dirigeant du parti qui visait à limiter le poids des syndicats, jugés trop à gauche, et donner davantage de voix aux sympathisants. Or, dans ce contexte et à la stupéfaction des parlementaires travaillistes, Jeremy Corbyn est devenu le chef du Labour le plus à gauche de son histoire. Plébiscité par 80 % des sympathisants et 49 % des militants, il se voit ainsi doté d’une importante légitimité.
Le phénomène « Corbynmania » s’explique par différentes raisons. Ce député a su attirer les jeunes – le nombre de sympathisants du Labour a doublé. Il bénéficie aussi de n’avoir jamais été associé aux anciens dirigeants et gouvernements et d’avoir voté contre la diminution des dépenses sociales.
L’enjeu du leadership de Jeremy Corbyn est de convaincre les députés, car seuls 20 des 232 députés travaillistes ont voté en sa faveur. En effet, le courant blairiste et les positions de Corbyn semblent difficilement conciliables. Cependant, ce tournant à gauche pourrait, lors des élections en Écosse et au Pays-de-Galles de 2016, s’avérer favorable, le Parti national écossais ayant été élu par une écrasante majorité sur un programme anti-austérité.
Concernant l’Europe, les positions du nouveau chef du Labour sont peu connues. Sur le plan des droits fondamentaux, il se rapprocherait de l’Union mais l’approche socio-économique en faveur de plus de rigueur de cette dernière pourrait l’en faire diverger.
Pour finir, la comparaison avec Podemos et Syriza se comprend dans la mesure où ces partis représentent un courant anti-austérité qui traverse l’Europe. Cependant, il s’agit de garder à l’esprit deux différences majeures : la politique britannique est dominée par le bipartisme et le Labour n’est pas un nouveau parti ; ensuite, le Royaume-Uni a une économie performante et le contrôle de sa politique monétaire.

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