Après la défaite. Analyse critique de la rénovation au Parti socialiste (2002-2007-2017)

2002, 2007, 2017 : le Parti socialiste a subi trois grandes défaites ces quinze dernières années. À chaque fois, le même diagnostic. À chaque fois, la même réponse, qui tient en un mot : rénovation. En 2002 et 2007, les dirigeants socialistes ont donné le change sans changer la donne : le changement annoncé n’a pas été pas au rendez-vous. Qu’en sera-t-il en 2018, où la refondation a remplacé la rénovation ? Le parti dépassera-t-il l’incantation alors que son existence même est désormais en jeu ? Rémi Lefebvre propose ici une analyse critique des discours de l’organisation sur ses défaites.

Le Parti socialiste a essuyé en avril et juin 2017 une double défaite historique. Le candidat socialiste Benoît Hamon est arrivé en sixième position à l’issue du premier tour de l’élection présidentielle, avec 6,36 % des suffrages exprimés. À l’issue des élections législatives, le groupe parlementaire socialiste, rebaptisé Nouvelle Gauche, a atteint un étiage historique, passant de 284 à 31 députés. Les conséquences de la défaite sont immédiates et tangibles. Le 19 septembre, l’annonce est faite de la vente du siège de Solférino. Le financement public du parti passe de 27 millions d’euros entre 2012 et 2017 à 7 millions. Un vaste plan social touchant plus de la moitié des permanents du parti est annoncé en octobre. De nombreux militants quittent le parti. Cette « débâcle » est-elle comparable à d’autres épreuves électorales que le Parti socialiste a connues au cours de sa longue histoire ? Historiens, observateurs et dirigeants politiques ont évoqué ces derniers mois les précédents historiques de 1969, 1993 ou 2002. Depuis plus de cent ans, le socialisme français a traversé des crises innombrables et s’est relevé de situations politiques particulièrement critiques. Cette résilience organisationnelle nourrit un imaginaire de « la renaissance » et de l’« éternelle » refondation du Parti socialiste. Elle fonde les espoirs d’une partie des dirigeants socialistes qui pensent que la crise n’est que transitoire, que le PS peut retrouver son espace politique et que le balancier qui assurait jusque-là la place centrale du Parti socialiste à gauche peut le restaurer dans son statut de parti de gouvernement.

Cet essai analyse la manière dont les socialistes ont organisé et négocié les phases électorales postdéfaite en 2002, 2007 et 2017. Chacune de ces séquences a été marquée par un mot d’ordre immuable : « rénovation » (aujourd’hui rebaptisée « refondation »). Cette rhétorique de changement postélectorale n’a pourtant conduit qu’à des changements partisans et idéologiques cosmétiques. La rénovation est une incantation permettant de donner le change sans changer la donne. Après 2002 et 2007, les victoires aux élections locales, qui renforcent le « parti des élus », referment la parenthèse « rénovatrice ». Le jeu mécanique des élections intermédiaires et de l’alternance, amplifié par le scrutin majoritaire et par une défiance structurelle conduisant à « sortir les sortants », tend à chaque fois à conforter le Parti socialiste dans son statut central au sein du système partisan.

Qu’en sera-t-il en 2018 alors qu’un congrès a été fixé aux 7 et 8 avril 2018 et que celui-ci est présenté par de nombreux dirigeants comme celui de la dernière chance ? Les socialistes peuvent-ils se contenter cette fois-ci d’un simple replâtrage paresseux ? La refondation entamée en juin 2017 apparaît à ce jour relativement classique (consultations des militants, forums…). L’existence même du Parti socialiste semble pourtant cette fois-ci directement en cause, tant sa fragilisation est sans précédent. Quelle place les socialistes peuvent-ils retrouver dans un jeu politique recomposé où leur espace politique à gauche comme à droite s’est considérablement rétréci ?

 

Sommaire

Introduction
« Défaire la défaite »: retour à « la base » et luttes interprétatives
L’enjeu du leadership : les congrès de défaite
L’impératif de la « rénovation » et l’usure d’un référent
Conclusion

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