Après le printemps arabe : priorité Maghreb

Après les révoltes arabes, le paysage devrait être marqué par deux traits : un relatif désengagement des Etats-Unis, et un découplage Proche-Orient / Maghreb. La conjonction de ces deux éléments offre à l’Europe, et à la France en particulier, des opportunités et des atouts, pour peu qu’elle redéfinisse sa politique et ses modalités d’engagement.

Le cycle de contestation qu’ont inauguré les mouvements de révolte dans les pays arabes continue de produire ses effets : après avoir permis dans certains d’entre eux la chute des régimes mis en cause, il conduit aujourd’hui les puissances occidentales à repenser leur positionnement stratégique dans la région et à adopter de nouvelles orientations politiques dans les relations qu’elles entretiennent avec les pays du Maghreb et du Machrek.
Ces changements politiques seront évidemment différents selon les puissances occidentales et les liens tissés avec les pays concernés. Pour les Etats-Unis, que le soutien aux mouvements démocratiques du Printemps arabe expose aux critiques et aux craintes de certains de leurs alliés régionaux, les conséquences s’avèrent particulièrement complexes à gérer, dès lors que les engagements militaires et la crise de la dette viennent encore réduire des marges de manœuvre déjà étroites. Parallèlement à un possible désengagement, qu’illustre la frilosité américaine en termes d’affichage de son action en Libye, l’Europe pourrait bénéficier d’une belle fenêtre d’opportunité pour développer une action diplomatique rénovée.
C’est précisément cette rénovation que rend possible cette rupture historique manifeste au sud de la Méditerranée : les outils de coopération qui lui préexistaient ne peuvent servir à sceller les nouveaux rapports nécessaires. L’Europe doit donc se saisir de cette occasion pour donner un sens nouveau à son action.
Au Proche-Orient, la situation semble encore extrêmement volatile, et le scénario d’un affaiblissement de plusieurs grands acteurs, qu’il s’agisse d’Etats comme l’Egypte et la Syrie ou de mouvements comme le Hezbollah, n’est pas à exclure. L’incertitude quant à l’évolution des situations politiques internes conduit Israël à assumer une position attentiste alors même que le pays est en butte à trois difficultés pressantes : une situation sécuritaire incertaine (notamment au Sinaï), la demande de reconnaissance d’un Etat palestinien aux Nations unies, un climat politique et social interne lui-même très tendu. L’instabilité de la région et l’absence de leviers efficaces contraignent donc les possibilités d’action pour les Etats-Unis et l’Europe et semblent ouvrir une période d’inertie.
A l’inverse, le Maghreb semble, lui, sortir d’une longue paralysie et redevenir ainsi un enjeu stratégique majeur. Alors que la situation en Libye obligera à une grande prudence dans la gestion des nombreux enjeux de sortie du conflit (mise en place d’une gouvernance prenant en compte les différentes parties, contrôle de la circulation des armes, redémarrage économique), l’Europe devra être particulièrement attentive pour éviter la propagation de la violence à partir de ce pays. La question de la transition politique dans les autres pays du Maghreb sera également au premier plan. Les pays qui auront réussi une transition démocratique pacifique deviendront des partenaires diplomatiques majeurs au sud de la Méditerranée et permettront de donner un nouveau souffle à la politique de voisinage européenne. Ce rendez-vous ne doit pas être manqué.

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