Brissy-sous-Bois ou les oubliés de la République

Les précarités, il ne suffit pas de les ignorer pour les faire disparaître. Elles sont là – à Brissy-sous-Bois, ville imaginaire que Jean-Christophe Cambadélis a choisie pour illustrer tous ces destins brisés dont on ne parle jamais, et partout ailleurs – mais on peut les combattre, et c’est à la gauche de s’engager aux avant-postes de ce combat, en étant aux côtés de ceux qui n’ont pas. Jean-Christophe Cambadélis fait des propositions, et plaide pour que la question du précariat soit au cœur du prochain quinquennat.

SOMMAIRE

Introduction

La nouvelle question du précariat 

Le mal-logement 

La précarité de l’emploi 

La précarité sanitaire 

La précarité culturelle 

Conclusion :
Pour un nouveau « nous » français

 

 

SYNTHÈSE

« Ne cherchez pas Brissy-sous-Bois sur une carte », avertit Jean-Christophe Cambadélis car « Brissy-sous-Bois n’existe pas ». Cette ville imaginaire illustre tous les destins brisés de ceux dont on ne parle jamais. Eux ? Ce sont les millions de femmes et d’hommes en état de « mort sociale ». Avec cet essai, le premier secrétaire du Parti socialiste fait part de sa volonté de remettre au cœur du débat politique la question des « précarités ».

Il ne suffit pas de les ignorer pour les faire disparaître, met-il en garde. Il faut en parler et surtout s’engager. C’est le sens des propositions formulées tout au long de cet ouvrage ; des propositions de lutte contre « les précarités » qui reposent largement sur l’expérience d’acteurs issus du monde associatif directement concernés par la montée du « précariat ».

Les témoignages de ces derniers, présents dans le livre sous forme d’entretiens, montrent que les précarités sont le fruit de notre société et qu’il est possible de les combattre. À la gauche de s’engager aux avant-postes de ce combat, avec ceux qui sont sans. Sans logement, sans revenu, sans dignité, sans voix et sans représentants.

Puisqu’elle interroge le cœur même de la République, la question du précariat doit être au cœur même du prochain quinquennat. C’est tout le propos de cet ouvrage.

En comparant le taux de pauvreté en 1970 avec celui d’aujourd’hui, Jean-Christophe Cambadélis fait remarquer que celui-ci a baissé. Cependant, depuis 2008 ce taux augmente de nouveau très fortement. Avec la crise économique, la situation des ménages se dégrade et les plus pauvres sont les premiers concernés. La France compte ainsi 8,6 millions de pauvres en 2014, soit plus de 13% de sa population, parmi lesquels souvent des jeunes et des femmes à la tête de famille monoparentale. À ces gens, il faut ajouter les « précaires », ceux qui manquent des ressources matérielles, culturelles et sociales nécessaires pour mener une existence décente. Les précaires et les pauvres ne sont pas toujours les mêmes. Ensemble ils représentent plus de 20% de la population.

La précarité est un « fait social complexe » qu’il faut prendre le temps d’analyser. C’est l’exercice auquel se livre le premier secrétaire du PS. Quatre précarités sont à distinguer : une précarité du logement, une précarité de l’emploi, une précarité sanitaire et une précarité culturelle. À chacune d’elles il consacre un chapitre dans lequel il rend compte de la situation présente, à l’aide de données chiffrées et du témoignage des acteurs associatifs interrogés, puis il fait le point sur les actions du gouvernement et de la majorité depuis 2012 avant de formuler des propositions nouvelles car l’urgence est « d’aller plus loin ».

Les causes de cette montée du précariat et des inégalités ? « Le capitalisme ultra financiarisé » qui offre aux travailleurs la flexibilité sans la sécurité avec comme conséquence une dégradation des conditions de vie. Ainsi, seuls 15% des ouvriers disent boucler facilement leurs fins de mois et 34% des actifs estiment qu’ils pourraient perdre leur emploi ou des avantages liés à leur statut dans les mois à venir. C’est la précarité du travail. À celle-ci s’ajoute la précarité du logement et là encore les chiffres rapportés sont effrayants : 141 000 individus sans domiciles (dont 30 000 enfants) avec une augmentation de 50% depuis 2001. Il y a aussi les bidonvilles et les campements illicites dans lesquels vivent essentiellement des migrants et des roms. Il faut ajouter à cette situation le mal logement qui touche 8 millions de nos concitoyens. Il y a encore la précarité sanitaire qui vient s’ajouter aux deux premières et qui, comme elles, a des conséquences directes, notamment sur la santé des individus. Enfin, il y a la précarité culturelle. Or, « la culture permet de maintenir des liens sociaux », tout comme elle permet de comprendre le fonctionnement des administrations, ce qui permet de bénéficier des aides.

L’autre conséquence du capitalisme financiarisé est « l’éviction des pauvres et des précaires de l’arène médiatique ». Le système économique joue le rôle de prestidigitateur qui fait disparaître la misère et la grande pauvreté des écrans. De fait, c’est la publicité qui finance les médias ; or les annonceurs ne s’intéressent pas aux ménages « de moins de 1000 euros par mois ». C’est aussi la faute des politiques, admet Jean-Christophe Cambadélis. Ces derniers, en se focalisant sur « l’économisme étroit et les questions de compétitivité », ont oublié les plus démunis. Les politiques surfent sur l’agenda politique plutôt qu’ils ne le fixent.

Face à cette situation le premier secrétaire du PS critique le programme de la droite pour les présidentielles de 2017, revient sur les mesures prises par le gouvernement durant le quinquennat, et appelle à accélérer le mouvement. La droite, c’est le « médisant sociétal » et le « moins disant social ». Le premier secrétaire du PS dénonce le programme de François Fillon pour les présidentielles de 2017 : « le plus à droite depuis 1945 ». Se prépare une « saignée sociale historique ». En cause ? Une série de mesures qui toucheront d’abord les plus pauvres au profit des plus aisés : suppression des 35 heures, de l’impôt de solidarité sur la fortune, du compte pénibilité, augmentation de la TVA, dégressivité des allocation chômage dès le douzième mois, diminution des dépenses d’assurance maladie et plafonnement des minima sociaux. Cette politique économique, menée sous l’œil complice des médias, marquerait un recul de l’égalité qui devrait faire réagir la gauche. Celle-ci doit « relever la tête et mener le combat ».

Par ailleurs, en mettant la question identitaire au cœur de leurs projets politiques, la droite et l’extrême droite participent à la relégation du précariat. Cette question ne fait que droitiser les débats, elle les dépolitise aussi en évacuant à ses marges la question de l’égalité et donc des injustices. « Ce n’est pas en complément mais au détriment du social » et cela revient à « structurer intégralement le débat public autour de la question identitaire, qui est un piège pour la démocratie, pour l’égalité et pour les questions sociales ».

La gauche se doit d’agir. Agir pour lutter contre la pauvreté et le précariat. Elle doit agir et médiatiser son combat pour qu’il puisse être partagé : « Il faut remettre au cœur du débat toutes celles et tous ceux qui vivent en marge de notre société, en périphérie des médias ». C’est ce que fait ici Jean-Christophe Cambadélis en rappelant les différentes mesures prises depuis l’élection de François Hollande en 2012 : augmentation du RSA de 10 %, plan anti-pauvreté, amélioration de l’accès à l’hébergement d’urgence, la reconnaissance de la précarité comme motif de discrimination, la création de la prime d’activité ou encore le tiers-payant généralisé.

La gauche se doit d’agir, aussi, en définissant un nouveau « nous » français. Cinq idées fortes peuvent l’articuler : l’instauration d’un troisième âge de la décentralisation (sur le numérique, sur l’écologie…), casser les castes en luttant contre le précariat (soutien au bénévolat, instaurer un revenu minimum décent, sécuriser les parcours professionnels…), défendre la République pour tous dans une France sûre (écrire une charte nationale de la laïcité, renforcer les effectifs de police, rétablissement de la conscription…), faire de la France la première puissance écologique et la première puissance numérique (soutien à l’agro-écologie, à l’économie circulaire, à la rénovation thermique…) ; enfin, proposer un nouveau patriotisme efficace : le souverainisme (recommencer l’Europe, définir une nouvelle doctrine du commerce international avec l’exclusion des services publics…).

Jean-Christophe Cambadélis conclut : « voilà le projet que notre candidat doit porter s’il veut l’emporter, voilà le projet que la gauche doit défendre pour sortir du faux choix entre l’apathie et l’hystérie ».

 

Dans les médias :
« Faisons de 2017 l’année du recul des précarités ! », Jean-Christophe Cambadélis (Le Huffington Post, 2 janvier 2016)
 

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