La Fondation Jean-Jaurès publie la première édition de ses Cahiers de tendances destinés à repérer, chaque année, les « signaux faibles » à l’œuvre dans nos sociétés – ces phénomènes relativement confidentiels, d’impact encore limité, mais porteurs de changements de grande ampleur à moyen et long terme. Post-humanisme, communs, robots, animaux, troisième genre, réseaux sociaux, société civile, intelligence artificielle, nouveaux modes de travail, GPA, religieux… : ce premier numéro dévoile les tendances qu’une trentaine d’auteurs, de profils très divers, ont choisi d’exposer. Sans prétention à l’exhaustivité, c’est plutôt un foisonnement de multiples regards qu’offre cet exercice d’anticipation.

La démarche

La Fondation Jean-Jaurès lance un cahier de tendances annuel pour repérer les « signaux faibles » de nos sociétés. On appelle « signaux faibles » les phénomènes d’impact limité encore, mais porteurs de changements de grande ampleur, à moyen et long terme. Leur importance tient dans ce qu’ils sont susceptibles de déclencher une fois arrivés à maturité. Pour faire mieux comprendre l’évolution de nos sociétés sur le temps long, à un moment où il est nécessaire de repenser le contenu du progrès, la Fondation propose cet exercice d’anticipation. Elle met ainsi en perspective ce qui émerge et avec quels effets, dans un récit du futur à la fois politique, économique, technologique, social et culturel. Les auteurs de ce cahier, de profils très divers, avaient carte blanche pour identifier une tendance et l’exposer sous l’angle qu’ils ont choisi. C’est leurs regards que vous découvrirez ici.

Régulations citoyennes
Avant-propos de Daniel Cohen et Gilles Finchelstein

« Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles ». Cette phrase de Paul Valéry est tirée d’un ouvrage, La crise de l’esprit, paru en 1919. Écrite au lendemain de la première grande conflagration mondiale, elle est pourtant moins une pensée pessimiste qu’un appel au sursaut. On sait ce qu’il advint, quelques années plus tard, de cette alerte.

Aujourd’hui, exactement cent ans après, l’humanité semble à nouveau à un carrefour. Déséquilibres climatiques, fractures démocratique et sociales, inégalités, incertitudes éthiques, vertiges technologiques… : les raisons ne manquent pas d’évoquer un avenir en clair-obscur. Et tout cela se joue, à l’échelle de l’histoire du monde, dans les heures qui viennent.

On mesure intuitivement qu’il faut faire autrement, repenser les modèles, inventer de nouvelles politiques et d’autres outils. Le pourrons-nous ? L’entrée « Collapsologie », dans ce premier cahier de tendances, illustre symboliquement l’inquiétude de l’époque.

Mais faisons comme Valéry : aux sombres prophéties, privilégions le sursaut. Efforçons-nous de prendre un peu d’avance sur les phénomènes, afin de mieux les maîtriser. C’est l’objet de ce rendez-vous annuel.

Post-humanisme, communs, robots, animaux, troisième genre, réseaux sociaux, société civile, intelligence artificielle, nouveaux modes de travail, GPA, religieux… : vous y reconnaîtrez quelques-uns des concepts et quelques-unes des technologies qui scandent nos exercices prospectifs d’aujourd’hui. Vous en découvrirez d’autres. Nulle prétention à l’exhaustivité, encore moins à faire système, mais le foisonnement de multiples regards, portés à l’échelle du monde, sur quelques-uns des signaux faibles de notre époque.

Cet exercice n’est pourtant pas sans conséquences. Les tendances énoncées ici seront peut-être, parmi d’autres, les ancrages de demain, c’est-à-dire les repères sur lesquels s’établiront nos sociétés nouvelles. De ce portrait en pointillé émergent deux lignes de force, récurrences significatives puisque émanant d’auteurs aux profils très divers, issus de nombreuses disciplines et souvent soucieux d’une vue internationale de leur sujet :

  • d’abord un appel à la régulation, dans de multiples domaines. Reset numérique, marche des entreprises, formes du travail, actions pour le climat… : une volonté de mieux s’organiser affleure, afin de faire de toutes nos ressources, humaines ou naturelles, un véritable commun ;
  • ensuite la dimension citoyenne, omniprésente. Écologie, empowerment, collaboratif, société civile… : le citoyen entreprend de « façonner localement le monde idéal qui lui échappe à l’échelle globale », et d’être tout autant habitant de son territoire que citoyen du monde.

Alors que nous serions subrepticement entrés, selon l’un des auteurs, « dans le monde de la réinitialisation permanente des valeurs », cette régulation citoyenne sera-t-elle demain l’un des ancrages majeurs de nos sociétés ?

Daniel Cohen, directeur du Conseil d’orientation scientifique
Gilles Finchelstein, directeur général

Le sommaire

Alternatives monétaires
Christophe Sente

Capitalisme politique
Mathieu Souquière

Collapsologie
Arthur de Grave

Connectivité
Martin Ziguélé

Écologie humaine
Flora Bolter

Entreprises à mission
Geneviève Ferone Creuzet

Éternelles années 1930
Christian Birebent

Études animales
Nicolas Payen

Fraternité
Jean-Christophe Baudouin

Identité numérique
Olaf Klargaard

(In)action climatique
Blaise Gonda, Timothée Ourbak

Indice du numérique humain
Aurialie Jublin, Jacques-François Marchandise

Intelligences artificielles
Jean-Loup Samaan

Intimité
Robert Zarader

Intrapreneuriat
Paul Poupet, Marinette Valiergue

Mesure d’impact
Jérôme Saddier

Néoartisanat
Jean-Laurent Cassely

Printemps arabes bis
Louis-Simon Boileau

Prosumers
Pierre Bauby

Religions du monde global
Jean-Jacques Kourliandsky

Retour de la planification économique
Cédric Durand, Razmig Keucheyan

Société civile agissante
Bénédicte Manier

Travail coopératif
Sophie Thiéry

Troisième genre
Fanny Parise

Ubérisation (résistance à)
Isabelle Daugareilh, Timothée Duverger, Matthieu Montalban

Valeur sociale (Snapchat)
Alain Mergier

Cahier de tendances 2019, coordonné par Thierry Germain, Fondation Jean-Jaurès, juillet 2019, disponible sur commande par mail ou sur Internet
Copyright photo de une : © Maurice-Louis Branger/Roger-Viollet

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