Chili : le sens d’une contestation
Le Chili est en situation d’exception, à tous points de vue, depuis plusieurs mois : exception sociale, exception revendicative multiforme, exception constitutionnelle. Ce mouvement de ras-le-bol, exprimé avec radicalité et violence, s’accompagne d’un rejet massif dans la rue, comme dans les sondages, des institutions et des acteurs, quels qu’ils soient, ayant construit la transition démocratique qui a suivi l’ère du dictateur Augusto Pinochet.
Ce mouvement social a surpris les observateurs chiliens mais également les analystes extérieurs. Le Chili n’était-il donc pas le bon élève de l’Amérique latine ? Donné en exemple pour la qualité de sa démocratie et le sérieux de sa gestion économique ? Pour toutes ces raisons, il avait été choisi pour accueillir fin 2019 deux grands rendez-vous internationaux, le sommet des pays du Forum pacifique (APEC) et la COP25.
Son président Sébastien Piñera, fort des acquis positifs prêtés à son pays, jouait volontiers au donneur de leçon, écouté et suivi par ses pairs latino-américains. Avec son homologue colombien, Ivan Duque, n’avaient-ils pas en 2018 posé les fondements d’une Alliance des conservateurs, le groupe Prosur, destiné à tenir la dragée haute aux organisations héritées de la phase nationaliste et progressiste des années antérieures, l’Union des nations sud-américaines (Unasur) et l’Alliance bolivarienne pour les Amériques (Alba) ?
Les bouleversements sociaux qui a font basculer le Chili dans une crise profonde, aux multiples facettes et sans doute de façon durable, ont stupéfait. Stupéfait les détenteurs du pouvoir, à droite, stupéfait ses opposants officiels de gauche, stupéfait les amis des uns et des autres en Amérique latine et dans le monde. Au Chili, comme ailleurs, le temps de la stupéfaction a laissé place à celui de l’analyse et de la tentative de comprendre. Mais aussi celui de tenter de sortir collectivement de cette crise destructrice pour tenter de bâtir autre chose qui serait à même de d’apaiser les antagonismes, de bâtir le Chili de tous. L’annonce d’une nouvelle Constitution, d’un nouveau contrat social, sera-t-elle de nature à redonner les clefs d’une sortie de crise à une démocratie trop longtemps indifférente à la situation de la majorité des siens ?
Pour en débattre, l’Observatoire de l’Amérique latine de la Fondation Jean-Jaurès a créé un espace ouvert qui donne à lire les réactions d’un grand nombre d’experts chiliens mais aussi français, bouleversés par ces événements, comme certains, plus « anciens », l’avaient été au lendemain du 11 septembre 1973, jour du coup d’État militaire. Ainsi chacun, dans le respect mutuel des opinions émises, et sans polémique, aura la possibilité de s’exprimer.
À découvrir :
- Crise et violence au Chili, Diana Saavedra López (vidéo, 24 février 2020)
- Chronique de Santiago, Michel Bourguignat, Michel Séruzier (note, 28 février 2020)
- Chili : rage et mobilisation dans le berceau du néolibéralisme, Marcos Robledo (note, 6 avril 2020)
- Chili : la force du peuple par temps de pandémie, Pierre Lebret, Cristian Méndez (note, 30 avril 2020)
- Le Chili et le coronavirus, Michel Bourguignat (note, 12 juin 2020)