Contre-vérités et tristes réalités des années Sarkozy

Baisse du pouvoir d’achat, explosion du chômage, des déficits publics et des inégalités, fracture sociale, injustice fiscale : le président Sarkozy a été à rebours du candidat Sarkozy. Pierre-Alain Muet revient sur cinq ans de contre-vérités, d’échecs et de reniements.

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Si le président-candidat tente aujourd’hui de faire oublier son terrible bilan et les promesses non tenues depuis cinq ans, Pierre-Alain Muet s’attache au contraire à illustrer le profond décalage entre le discours économique qui a présidé à l’élection de Nicolas Sarkozy et l’action qu’il a conduite.
Au départ était un mythe : celui du « travailler plus pour gagner plus ». Les heures supplémentaires devaient fournir un supplément de pouvoir d’achat qui alimenterait la croissance. Mais contrairement au discours de la droite, il s’avère que les Français ont parmi les pays les plus développés la durée de travail hebdomadaire la plus forte en moyenne (38 heures en 2010 contre 35,7 heures pour les Allemands, et 30,6 heures pour les Néerlandais !). La condamnation des 35 heures (qui ignore les 350 000 emplois créées selon la Dares) et la subvention publique des heures supplémentaires en pleine explosion du chômage relèvent du même traitement idéologique des outils de politique économique. Cette politique économique menée à contretemps n’a en outre pas permis de mener le vrai débat de l’organisation des différents temps de la vie et de la répartition du travail entre ceux qui ont un emploi et ceux qui en sont exclus.
Le président du pouvoir d’achat aura là aussi manqué sa cible, ce discours de campagne ne se traduisant pas aucune mesure effective hormis celle déjà évoquée, et contreproductive, de la subvention des heures supplémentaires. Ce quinquennat sera au contraire le seul depuis 25 ans à avoir connu une baisse du pouvoir d’achat des ménages individuels. Alors que les cadeaux fiscaux n’ont jamais manqué pour les plus favorisés, ni le SMIC ni la Prime pour l’emploi (à l’existence compromise) n’auront bénéficié de coups de pouce, et la « prime pour les salariés » aura fait long feu dans sa version originelle et ne concernera en effet qu’une poignée de salariés !
Dans le domaine des finances publiques, la promesse de baisser de quatre points les prélèvements obligatoires se traduira en réalité par le paquet fiscal de l’été 2007, le creusement des déficits, jusqu’au tournant de l’austérité budgétaire. Au lieu de la rupture promise, c’est la reprise de la politique de son prédécesseur qui a prévalu avec des cadeaux encore plus choquants aux plus riches (le bouclier fiscal ou la suppression de l’ISF) et l’incapacité à mener une grande réforme susceptible de rétablir la justice fiscale.
Face à l’endettement public de cette fin de mandat, s’il est commode d’incriminer la crise, elle n’est pourtant pas la principale responsable. Ces quatre dernières années, un peu moins de 40 milliards sont dus chaque année à la crise, soit 150 milliards. Il reste tout de même une aggravation de la dette de plus de 400 milliards, ce qui reste un record. Incapable de maîtriser ses déficits, l’Etat se défausse de ses responsabilités financières sur les collectivités locales en gelant les dotations aux collectivités et en ne finançant pas des dépenses qu’il a mises à leur charge – des dépenses de solidarité générale qui augmentent fortement. Il le fait avec d’autant plus de désinvolture qu’il sait bien que les collectivités locales sont obligées, elles, d’appliquer la vertu dont lui seul s’exonère puisque les collectivités locales respectent ce qui est une vraie règle d’or : ne pas financer des dépenses courantes par le déficit.
La politique d’austérité budgétaire et l’absence de clair dessein industriel renforcent l’atonie de la croissance et le sentiment de déclin français, tandis que l’absence de concertation dans le choix et la mise en place des réformes contribue à diviser un peu plus le pays et à remettre en cause les acquis sociaux.
L’écologie est la dernière grande ambition vite abandonnée qui est ici examinée, l’un de ces dossiers où les discours historiques et enflammés laissent la place à la nullité des réalisations, le feuilleton de la taxe carbone s’achevant par sa censure du Conseil Constitutionnel pour cause d’inégalité devant l’impôt.
Ainsi, l’explosion du chômage, de la dette et le creusement abyssal du déficit extérieur, auxquels s’ajoute comme un point d’orgue la perte du triple A, signent la faillite d’une politique économique marquée au triple sceau de l’injustice, de l’irresponsabilité et de l’incohérence.

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