Délinquance et criminalité à Marseille : fantasmes et réalités

Au-delà des fantasmes, quelle est la réalité de la délinquance et de la criminalité à Marseille ? Laurent Mucchielli replace les événements récents dans le contexte régional, les compare aux données policières de cinq grandes villes françaises et dresse le portrait d’une ville « normale ».

Les Bouches-du Rhône et les Alpes-Maritimes font partie des départements dans lesquels les inégalités de niveau de vie sont les plus marquées. Dans les Alpes-Maritimes, le niveau de vie des plus aisés est un des plus élevés de métropole. Dans les Bouches-du-Rhône, c’est le niveau de vie des plus défavorisés qui est particulièrement faible.

À côté de la question du grand banditisme, une autre particularité est à prendre en compte. À Marseille, les banlieues – et les pauvres – sont dans la ville. Ils peuplent principalement les fameux « quartiers nord». 48% de la population vit dans un quartier faisant l’objet d’un « Contrat urbain de cohésion sociale » (CUCS). Plus de 26% de la population vit dans ce que l’Insee appelle les Zones urbaines sensibles (ZUS), cible prioritaire de la politique de la ville en raison des difficultés que connaissent les habitants de ces territoires. Le poids démographique de la jeunesse, l’importance des logements HLM, de la précarité, du chômage, du nombre de personnes peu ou pas diplômées ou encore de la population immigrée en sont des caractéristiques classiques. Les habitants y cumulent un triple déficit d’insertion socio-économique, de citoyenneté, de qualité de vie générale individuelle et collective.

Dès lors, au vu de ce contexte social, certaines formes de délinquance juvénile et de délinquance plus ou moins organisée y sont plus intenses. Mais cela relève aussi d’une construction policière et judiciaire, car ces habitants, surtout lorsqu’ils sont d’origine étrangère et plus encore s’ils sont de nationalité étrangère, font l’objet de pratiques discriminatoires à tous les étages du système pénal. Les habitants des ZUS sont clairement surreprésentés dans les statistiques pénales, à commencer par les statistiques de police.

Rien ne semble pouvoir justifier un traitement politique et un traitement médiatique tendant à faire de Marseille une sorte d’exception ou d’anomalie à la française. Il serait beaucoup plus pertinent et productif d’y voir plutôt une sorte de miroir grossissant de réalités humaines et sociales largement répandues en France et ailleurs dans le monde.

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