Eligo in Summum Pontificem

Après la renonciation de Benoît XVI et à l’heure où est choisi son successeur, Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, offre un regard original sur ce « phénomène électoral » particulier qu’est l’élection d’un nouveau pape.

Synthèse
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Le temps des tâtonnements
Durant les premières décennies de l’ère chrétienne, la méthode retenue fut celle de l’élection du pape « par le clergé et par le peuple ». L’élu était généralement issu du groupe des notables des presbytères romains. Par la suite, la bulle In nomine Domini que le pape Nicolas II promulgua le 13 avril 1059 marqua une réelle intention réformatrice en soulignant que des principes de l’organisation religieuse découlaient deux conséquences éminemment démocratiques : le droit dont bénéficie chacun d’être associé aux prises de décision le concernant et celui reconnu à l’ensemble des membres de la communauté de participer à l’élection de l’homme appelé à gouverner. Ce texte confia l’élection du pape aux seuls cardinaux mais sans fixer de majorité.

La genèse tumultueuse de l’institution du conclave
C’est en 1198 que l’on trouve réunis les éléments constitutifs de ce qui deviendra un conclave : la clôture et la garde. Pour la première fois, on employa des bulletins de vote. Mais en réalité ce fut le scandale de Viterbe en 1271 qui aboutit à la création de cette institution. Selon les chroniques de l’époque, les dix-sept cardinaux ne parvenaient pas à s’entendre sur le nom du successeur de Clément IV. Ayant vainement attendu l’élection pendant des mois, les autorités locales décidèrent de recourir à la manière forte en enfermant les ecclésiastiques dans le palais. Elles firent murer les accès, coupèrent les vivres aux électeurs pour les inciter à plus de sagesse et allèrent jusqu’à ôter le toit du bâtiment « afin de permettre aux influences divines de descendre plus librement sur les délibérations »… Et ce fut un obscur archidiacre de Liège qui fut élu sous le nom de Grégoire X.

Dans le secret de la tour d’ivoire
Le code électoral s’appliqua jusqu’à l’entrée en vigueur des réformes de Pie XII, dont la constitution du 8 décembre 1945 fixa notamment une majorité à deux tiers des suffrages. En 1996, la dernière constitution apostolique de Jean-Paul II établit une règle nouvelle prévoyant que si, après 34 tours de scrutin sur douze jours, le conclave ne parvenait toujours pas à dégager une majorité des deux tiers, l’élection pouvait se faire à la majorité absolue dès lors que ce principe était accepté par la majorité du conclave. Cependant, depuis 1831, aucun conclave n’a duré plus de quatre jours.

La « renonciation » en question
Quant à la vacance du Saint-Siège, elle était explicitement évoquée non seulement en cas de mort du pape mais aussi de « valide renonciation ». La renonciation était certes prévue dans le Code de droit canonique (canon 332), mais il s’agissait seulement dans ce cas d’établir les conditions de sa validité. Depuis 1996, elle doit donc être désormais décidée par son auteur en pleine liberté et capacité d’entendre et de vouloir. Ces conditions étant réunies, il a été permis, le 11 février dernier, à Benoît XVI de fixer au 28 février 2013 à 20 heures la date officielle de fin de son pontificat.

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