Éthiopie : un pays potentiellement émergent ?

A l’issue d’une mission en Ethiopie, Gérard Fuchs revient sur les conditions de développement de ce pays potentiellement émergent, qui est en train de vivre une évolution économique et sociale positive. Une évolution qui, pour se confirmer, nécessiterait cependant une réelle stabilité politique dans un cadre véritablement démocratique.

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Synthèse :
Pour nombre d’Européens qui la connaissent, l’Ethiopie demeure un pays de famine, de terreur politique et de guerre. Il est vrai que, pendant la période 1970-1990, ces mots ont correspondu à une réalité. Mais la défaite militaire de Mengistu en 1991 et l’arrivée au pouvoir de Meles Zenawi, dirigeant du Front de libération du peuple du Tigré (principale composante du FDRPE, Front démocratique et révolutionnaire du peuple éthiopien, au pouvoir depuis 1991), marquent le début d’une certaine stabilité interne, malgré le conflit de frontières ouvert avec l’Erythrée.
Ces conditions nouvelles vont permettre au pays de se préoccuper de son développement, alors que sa population atteint les 90 millions d’habitants et que son PIB par habitant approche les 400 dollars par an. Malgré l’importance territoriale du pays (deux fois la France), les ressources naturelles sont rares et les produits d’exportation limités. Le développement repose donc largement sur une aide internationale de trois et quatre milliards de dollars par an, soit près de 11 % du PIB.
Malgré ces contraintes, il faut reconnaître que le régime a su conduire une politique sociale plutôt efficace, ainsi qu’un développement conséquent des infrastructures. Il a pu obtenir ainsi un taux de croissance approchant les 10 % ces dernières années. Seul point négatif : une inflation difficilement maîtrisée mais en réduction depuis deux ans.
Le volontarisme politique du régime a conduit par ailleurs à engager de grands projets, comme le barrage hydroélectrique sur le Nil bleu. Une autre perspective positive semble découler de la poursuite de la recherche de pétrole et de gaz dans le prolongement des gisements kenyans.
La poursuite de cette évolution économique et sociale positive nécessite cependant une réelle et indispensable stabilité politique. La première question qui se pose alors est celle de la succession de Meles Zenawi, décédé en 2012. Son dauphin, Hailémariam Desalegn, a été élu président du FDRPE à l’unanimité, puis Premier ministre. Mais il est néanmoins difficile de savoir si ces scores lui apporteront une garantie de durée.
Trois autres interrogations pèsent sur l’avenir du pays. La première concerne les risques de déchirements ethniques et religieux. La deuxième concerne le problème de l’accès à la mer, essentiel pour l’économie du pays. Enfin, le fait que l’aide étrangère apportée au pays soit importante comporte des avantages comme des inconvénients.
L’Ethiopie est aussi le siège de l’Union africaine (UA). Lors de la mission de la Fondation Jean-Jaurès à Addis Abeba en mars 2013, les responsables de l’organisation continentale rencontrés ont chacun déploré que la relation ONU-UA ne soit que du type : « le Conseil de sécurité décide puis décentralise l’exécution de ses décisions ». Reste que la question des moyens d’intervention de l’UA est évidemment centrale et, compte tenu de l’immensité du continent, de ses faibles moyens et de ses très nombreux problèmes, la situation s’avère encore plus difficile que celle à laquelle est confrontée l’ONU.
En conclusion, l’Ethiopie semble s’imposer comme un pays potentiellement émergent, qui a de nombreux atouts pour pouvoir se retrouver, d’ici dix à quinze ans, dans le cercle des pays influents politiquement et économiquement au niveau continental, voire international. Les conditions pour y arriver s’avèrent cependant draconiennes et la tâche est sans nul doute difficile, mais la fierté nationale sera le meilleur ressort pour que soit relevé ce défi.

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