La culture pour tous. Des solutions pour la démocratisation?

A-t-on vraiment tout tenté pour accueillir un public plus diversifié dans des institutions culturelles encore réservées à des privilégiés ? Jean-Michel Tobelem répond en formulant des propositions concrètes et nouvelles. Oui, une plus grande démocratisation culturelle est possible !

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L’essai de Jean-Michel Tobelem relance la réflexion sur la démocratisation de l’accès aux institutions culturelles en France. Qui composent aujourd’hui leur public ? Quand 2 % à 3 % seulement d’ouvriers fréquentent les musées, lieux laissés ainsi libres aux seuls « habitués de la culture », comment rétablir de l’égalité ? Comment améliorer la capacité des institutions culturelles à accueillir un public à la sociologie diversifiée ?
L’auteur s’attache à montrer les limites des moyens politiques existants et à indiquer des pistes de réflexion afin d’agir plus efficacement pour la démocratisation de l’accès aux lieux de culture et l’élargissement du spectre sociologique du public culturel.
Dans un premier temps, Jean-Michel Tobelem revient sur les enjeux liés à la démocratisation culturelle. Si l’accès à la culture semble un bien démocratique dont chaque citoyen doit pouvoir profiter, les opinions contradictoires sont nombreuses. Prôner la démocratisation de la culture reviendrait, par exemple, à adopter une forme de supériorité paternaliste.
Or, tous les individus participent au financement des lieux culturels mais tous ne les fréquentent pas de la même façon. Les inégalités en matière de pratiques culturelles renforcent le risque d’élitisation dans les grandes institutions culturelles. On peut déplorer ainsi le manque d’engagement de ces dernières pour enrayer le phénomène. Les actions en faveur de la démocratisation n’y sont pas prioritaires, la preuve par le chiffre : un musée national parisien de taille moyenne accueille dans son visitorat moins de 1 % d’ouvriers.
 

Cela dit, les inégalités françaises ne forment pas un cas isolé. Un tiers des Européens n’ont jamais ou presque jamais participé à des activités culturelles. La sociodémographie peut rendre raison d’un tel résultat mais on peut également l’imputer au retrait progressif des pouvoirs publics en la matière. Outre-Atlantique, une enquête datée de 2008 met en évidence le lien entre pratique culturelle et niveau d’éducation et indique que la participation des Américains à une activité culturelle a chuté de 20 % depuis 2002. La question culturelle ne fait clairement pas partie des préoccupations politiques de premier ordre.
L’essai porte ensuite sur les orientations prises récemment pour démocratiser davantage les institutions culturelles. Très vite, leurs limites apparaissent, qu’il s’agisse de la stratégie ou des résultats. Les outils numériques, par exemple, n’ont pas élargi le public culturel à des groupes jusqu’alors délaissés. Au contraire, le recours à Internet rejoue les inégalités existantes et renforce même les liens avec le public déjà coutumier des institutions culturelles. La création du Centre Pompidou mobile et l’inauguration du Louvre-Lens n’ont pas atteint les objectifs escomptés et les failles sont manifestes : défaut de communication, coordination insuffisante avec les relais locaux, faible ancrage territorial.
Les solutions avancées par l’auteur, sous forme de propositions et de recommandations, prennent en considération plusieurs niveaux d’intervention, allant de l’institution culturelle à l’échelon national en passant par l’échelle territoriale. Ces trois types d’approches – « micro », « meso », « macro » – ont l’avantage d’offrir, sous plusieurs angles, une vue complète des marges de progression possibles pour démocratiser encore l’accès aux institutions culturelles publiques.
Améliorer les outils qui permettent de connaître avec précision le profil des publics, privilégier la modération tarifaire et donner plus de moyens à la communication sont autant de mesures susceptibles, au niveau « micro », d’attirer des publics plus variés.
Eviter l’effet « hors sol » d’une institution culturelle, développer le bénévolat, renouer avec les dynamiques touristiques, ouvrir toute l’année les théâtres permettraient, à l’échelle « meso », de rencontrer le même effet.
Enfin, renforcer le rôle de l’école, profiter des réseaux Jeunesse et Sport, se saisir davantage du système audiovisuel public seraient, à l’échelle « macro », des moyens supplémentaires pour la démocratisation des institutions culturelles.
Mais il est des mesures par lesquelles il faudrait commencer : sensibiliser les élus et le personnel des institutions, libérer l’accès aux données pour établir des politiques en accord avec la fréquentation réelle des différents publics, valoriser ceux dont la tâche consiste précisément à étudier le public des institutions culturelles, fixer des objectifs ambitieux mais réalistes ou encore augmenter le budget de la démocratisation des lieux de culture.
La contribution de Jean-Michel Tobelem à la réflexion sur les moyens de la démocratisation culturelle est ainsi pleinement tournée vers une mise en œuvre concrète de ces moyens. Reste alors aux décideurs de la désirer et d’en faire une priorité.

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