La décentralisation, un long processus

Adoptés en Conseil des ministres en avril dernier, trois nouveaux projets de loi de décentralisation ouvrent une nouvelle étape d’un long processus engagé en 1981-1982 sous le gouvernement de Pierre Mauroy. L’universitaire Pierre Bauby en fait l’analyse dans la première Note de l’Observatoire de l’action publique de la Fondation.

Synthèse
Les trois nouveaux projets de loi de décentralisation adoptés par le Conseil des ministres le 10 avril 2013 ouvrent une nouvelle étape d’un long processus engagé en 1981-1982 sous le gouvernement de Pierre Mauroy. Ce processus a correspondu à la décentralisation de « petits pouvoirs » sans remise en cause de la centralisation des pouvoirs essentiels en matière économique, financière ou stratégique. La décentralisation a amené les élus locaux à se « responsabiliser », même si la France présente encore aujourd’hui la caractéristique d’être l’Etat le plus centralisé d’Europe.
Le transfert des compétences et l’autonomie supplémentaire accordée aux collectivités territoriales par l’Etat central ne se sont pas accompagnés d’un réel désengagement de celui-ci. Il a conservé de multiples moyens d’influence et d’orientation et s’en est donné de nouveaux.
Le développement des aspirations à la participation des citoyens aux décisions locales n’a pas connu de réelles mises en œuvre, même si ont été adoptées des dispositions limitant un peu cette spécificité française qu’est le cumul des mandats.

Décentralisation, concertation territoriale et gouvernance multi-niveaux
Les trois nouveaux projets de loi de décentralisation présentent de fait des innovations majeures en matière de gouvernance territoriale. D’abord en instaurant la « conférence territoriale de l’action publique » et le « pacte de gouvernance territoriale ». Dans la plupart des domaines de l’action publique, il s’agit de mettre en œuvre l’emboîtement des niveaux d’intervention, une gouvernance « multi-niveaux » et multi-acteurs. Celle-ci ne devrait être ni verticale, ni linéaire, mais cyclique, afin de construire un cercle vertueux de la gouvernance. Dans cette perspective, les conférences territoriales de l’action publique peuvent être ces lieux d’expression des diversités des besoins territoriaux et des aspirations des acteurs.
En outre, les conférences territoriales de l’action publique et le pacte de gouvernance territoriale devraient permettre de rompre avec le mode de décentralisation qui a prévalu depuis trente ans, consistant pour l’Etat à décider d’en haut du partage des compétences.
Les projets de loi permettent également d’engager des dynamiques en matière d’égalité des territoires, en créant un Haut Conseil des territoires, assisté d’un Observatoire de la gestion publique locale.

La décentralisation : un processus à approfondir
D’autres étapes seront évidemment à franchir, notamment en revalorisant davantage le rôle des citoyens et de la société civile, en considérant leur expression comme un pré-requis complémentaire à la démocratie représentative et à l’action des élus.
Une réelle décentralisation mettant le citoyen au cœur de l’action publique prendra plus de temps. Mais les enjeux de modernisation et d’efficacité de l’action publique, de réforme de l’Etat et des services publics comme de dynamique sociétale sont tels qu’il est nécessaire de prendre le temps de l’innovation et de l’expérimentation, en libérant les initiatives.

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