La gauche est-elle morale ?

Pour la Cité des livres, Christophe Prochasson a présenté son livre La gauche est-elle morale ? (Flammarion 2010). Il était interrogé par Laurent Bouvet et Pierre Testard.

Un socialisme sans religiosité est presque impossible. A entendre Christophe Prochasson la gauche a besoin de retrouver dans une forme de morale élémentaire la hauteur nécessaire pour se faire entendre. Venu débattre à la Cité des Livres de son nouvel essai, La gauche est-elle morale ? (Flammarion), l’historien a décrit les relations complexes qui lient l’action politique de la gauche à une conception morale de l’homme. En effet, comment définir les idéaux de gauche autrement que dans leur rapport historique à une doctrine de la vertu ? L’histoire de la gauche est enracinée dans la recherche paradoxale d’un idéal politique qui puisse se traduire dans la réalité. Christophe Prochasson appelle ainsi à distinguer la morale du moralisme. La morale- qui dans sa variante socialiste consiste aussi en une attitude quotidienne, une morale des petits gestes- impose de faire coïncider ses moeurs avec les valeurs de générosité, d’honnêteté et de probité qu’implique le discours socialiste. Le moralisme est une inadéquation entre les paroles et les actes. La gauche a trop souvent pêché depuis la Révolution française en tombant dans la seconde au détriment de la première. En trahissant son goût pour les honneurs et les petits calculs politiques, elle s’est détournée de la véritable « morale militante ». Elle a rompu avec l’époque où un militant se rendait en réunions de section, distribuait des tracts dans la rue et allait manifester, sans rechigner, parce qu’il était militant à chaque instant. L’époque où des primaires auraient été impensables. Que devient donc une gauche qui s’est construit sur l’adage selon lequel « Tout est politique » quand elle évolue dans une société où tout devient moral ? Cette inclination lui a fait oublier toute une tradition intellectuelle représentée par Charles Andler, Eugène Fournière, Benoît Malon ou encore Pierre-Joseph Proudhon. Pour Christophe Prochasson, cette omission est au coeur du rapport ambigu de la gauche à l’argent. Parce que la gauche s’est détournée de valeurs aussi simples que le désintéressement ou la confiance, elle n’est pas parvenue à puiser dans des références morales le remède à une vision purement économique des personnes et de la société. Pour rétablir un équilibre entre idéaux politiques et pratiques morales, Prochasson en appelle donc à « une réforme intellectuelle et morale » du socialisme. Pour que la gauche ne se contente pas de plaider pour des politiques de redistribution et de lutte contre les inégalités, mais mette ses discours en actes (©Nonfiction.fr).

* Cet article a été écrit par Pascal Morvan et Pierre Testard. 

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