La politique autrement : réinventons nos institutions

Nos institutions subissent-elles la crise la plus sévère depuis 1958? Est-ce leur légitimité même qui est en cause? La VIe République doit-elle devenir notre nouvel horizon? Convaincu que le politique doit reprendre la main, Luc Carvounas préconise une voie de rénovation institutionnelle.

Dans un contexte économique et social difficile, les institutions de la Ve République font l’objet de nombreuses critiques. Les partis politiques traditionnels sont décriés, le Front national est à son plus haut score historique et les citoyens sont de plus en plus méfiants vis-à-vis de nos institutions. Celles-ci auraient fait leur temps et il faudrait désormais moderniser le système institutionnel français. Mais comment ? Si certains proposent de le supprimer définitivement au profit d’une VIe République, Luc Carvounas, sénateur du Val-de-Marne et secrétaire national du Parti socialiste en charge des relations extérieures, propose une série de réformes de fond.
Les réformes doivent être radicales et structurelles afin de rééquilibrer notre régime politique vers un « présidentialisme à la française ». Ce changement politique doit s’opérer sur la base de trois piliers : le renforcement des pouvoirs du Parlement, la clarté et la transparence de nos institutions et la création d’un véritable équilibre institutionnel qui poserait les bases de la naissance en France d’une véritable culture du compromis.
Actuellement, le pouvoir de l’exécutif est hypertrophié face à une majorité cantonnée à un rôle de validation du projet gouvernemental, facteur principal de l’essoufflement du fait majoritaire et de l’apparition progressive des « frondeurs » contestant la politique de l’exécutif issu de leur propre majorité. Luc Carvounas invoque Montesquieu pour qui « par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir » et souhaite un contrôle mutuel du législatif et de l’exécutif plus efficient, plus constructif et source de stabilité institutionnelle, condition sine qua none de la bonne élaboration des politiques publiques.
C’est également à une refondation parlementaire qu’il faut appeler, pour une activité des députés et sénateurs plus claire, plus transparente et surtout plus exemplaire dans un contexte où l’on demande beaucoup aux citoyens. Ce processus doit s’accompagner de nouveaux moyens pour les parlementaires, mais aussi de nouvelles règles pour assurer le bon exercice d’un mandat transformé. Cette refondation repose donc sur un préalable – la diminution du nombre de parlementaires pour une meilleure représentativité – et sur des axes forts : la création d’un nouveau pouvoir budgétaire, l’orientation du parlementarisme français vers le contrôle, l’évaluation et la prospective, la mise en place de prérogatives spécifiques sur les questions européennes, la mise en place de nouveaux dispositifs pour « rattacher les parlementaires à leurs territoires tout en favorisant leur renouvellement », et enfin la réforme nécessaire du Sénat pour un nouveau bicamérisme. Les nouveaux moyens et les nouvelles règles pour assurer le bon exercice d’un mandat concernent quant à eux non seulement les moyens financiers, mais aussi l’organisation, à proprement parler, du travail parlementaire.
Enfin la pratique du vote est à réinventer car elle est, selon Luc Carvounas, « un devoir » avant d’être un droit. Il faut étendre le droit de vote (aux jeunes, aux étrangers) afin de revaloriser le concept de citoyenneté et de recréer un engouement autour de la notion d’engagement, fruits de notre histoire républicaine.
« Pour que le politique reprenne la main » : pour Luc Carvounas, les processus décisionnels au sein de la haute administration française doivent être repolitisés. En d’autres termes, « c’est au politique de faire société et non à l’administration ». Il dénonce une administration trop lourde ou parfois trop réticente pour mettre en œuvre les décisions politiques, un principe de neutralité qui dans la pratique est difficile à faire prévaloir et enfin un « spoil system à la française » qui est le résultat direct selon lui du quinquennat, de l’inversement du calendrier électoral et de la présidentialisation de la Ve République. Si, en France, le président de la République n’est pas élu avec son administration comme aux Etats-Unis, les déficiences du système provoquent au sommet des ministères des doublons des fonctions de direction. Le ministre installe alors un conseiller pour s’assurer la loyauté et la bonne application des décisions, au détriment de la communication entre les décisionnaires et les exécutants et de la clarté de la hiérarchie. Il faut suivre l’exemple des collectivités locales, « leviers utiles pour l’économie en termes d’emploi, de construction de logements et d’investissements publics », moins sujettes à l’opposition entre les décisionnaires et leurs administrations.

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