La religion dévoilée. Une nouvelle géographie du catholicisme

Le sondeur Jérôme Fourquet et le démographe Hervé Le Bras révèlent cinquante ans d’évolution politique de l’électorat catholique, livrant le profil actualisé des catholiques contemporains et montrant le rôle essentiel d’une religion peu pratiquée.

En associant pour la première fois leur expertise, le sondeur Jérôme Fourquet et le démographe Hervé Le Bras mettent au jour cinquante ans d’évolution de l’électorat catholique, en termes d’appartenance comme de pratique religieuse.

Grâce à des techniques cartographiques de pointe, ils livrent le profil actualisé des catholiques contemporains et montrent comment une religion peu pratiquée joue néanmoins un important rôle politique.

Deux avancées techniques pour cartographier l’implantation des religions en France
Pour pallier le problème des études traditionnelles – menées de manière à établir des tendances nationales, qui ne laissent pas transparaître les dynamiques locales –, les auteurs ont utilisé deux méthodes innovantes : d’abord, 51 vagues d’enquêtes ont été cumulées dans plus de 13 000 communes, de manière à couvrir la plus grande étendue possible et pouvoir en cartographier les données avec précision?; celles-ci ont ensuite été lissées, établissant ainsi des zones d’influence autour des pôles urbains afin de prendre en compte les dynamiques à une échelle locale.

Les Frances religieuses
Les permanences de la France catholique
La répartition géographique du catholicisme semble toujours reposer sur les mêmes bases : elle conserve une situation périphérique semblable à celle des années 1960, tandis que la déchristianisation s’est poursuivie dans l’espace central et le long des grands axes de communication. De manière plus précise, la finesse du maillage opéré permet de constituer des lignes de clivage entre terroirs catholiques et campagnes révolutionnaires.
Géographie de la pratique du catholicisme
En y regardant de plus près, on note que le lien entre l’implantation des catholiques et la répartition des pratiquants connaît des atténuations et des renforcements. Une différence majeure est néanmoins à relever : le Bassin parisien se révèle paradoxalement plus pratiquant, alors même que le catholicisme est associé de longue date à la lutte contre le centralisme. En outre, le Bassin parisien et ses alentours sont les zones qui ont connu la diminution de la pratique religieuse la moins rapide.
L’Ile-de-France, un laboratoire des mutations en cours
L’Ile-de-France présente des situations variées : le catholicisme y est présent dans les zones dites bourgeoises, alors que les zones plus populaires le délaissent?; on passe donc d’une répartition provinciale à une répartition sociale de la géographie du catholicisme.
S’agissant de la Seine-Saint-Denis, on constate que la pratique y est bien plus forte que sa composition sociale ne laissait supposer. On peut y voir un cas de la stimulation qui naît de la confrontation entre différentes religions, que ce soit avec le protestantisme ou avec l’islam, qui ne s’articulent toutefois tous deux qu’autour de quelques pôles. Néanmoins, il apparaît que ces données ne doivent pas être analysées comme des causalités, mais comme la concomitance de deux phénomènes différents.

Des changements sociologiques majeurs depuis Vatican II
Le « messalisant », une espèce en voie de disparition
Le fait religieux marquant de ces cinquante dernières années demeure le déclin spectaculaire du catholicisme, qui prend place au début des années 1960, à la veille de Vatican II. Ce phénomène se traduit par une moindre fréquentation des messes, une diminution du nombre de baptisés ou encore une perte de la tradition de l’inhumation : au-delà, ce décrochage témoigne d’une perte d’influence du catholicisme.
Le profil des catholiques aujourd’hui
On peut définir, aujourd’hui, les pratiquants comme une partie de la population disposant d’un système de valeurs spécifiques, et qui prend toujours en considération les messages et les valeurs de l’Église. D’un point de vue sociologique, le profil des catholiques pratiquants présente plusieurs particularités : ce sont majoritairement des femmes et des personnes dont la catégorie socio-professionnelle se situe dans les plus aisées, avec une forte représentation des retraités et des agriculteurs.

« Catholicisme zombie » et permanence d’une influence catholique
1981-2012 : une redistribution des cartes électorales dans un contexte de déclin de la pratique religieuse et de montée en puissance du Front national
Il convient de relever une corrélation entre la pratique religieuse et le comportement électoral : ainsi, là où la pratique était forte il y a cinquante ans, le changement l’est aussi?; on assiste alors à un rapprochement plus ou moins fort des zones de tradition catholique vers la gauche. Un élément vient cependant perturber l’équation : dans les zones où le catholicisme était moins répandu et a moins décliné, le Front national vient capter une partie des voix de la gauche.
L’implantation de l’enseignement privé et les choix syndicaux
On peut ainsi parler de « catholicisme zombie » : au fil des siècles, le catholicisme a forgé les comportements, modelé les relations sociales dans les lieux où il était prégnant. Or, bien que sa pratique décline, les populations des régions de tradition catholique continuent à se comporter de manière différente de celles des régions déchristianisées de longue date. Cette tendance est illustrée par la part des élèves scolarisés dans des écoles libres, ou encore par les résultats des élections prud’homales. La tradition catholique demeure donc un acteur central du jeu politique et social.

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