La vie des métropoles au XXIe siècle vue par les ateliers internationaux de maîtrise d’œuvre urbaine

Les ateliers internationaux de maîtrise d’œuvre urbaine sont une fabrique exceptionnelle de la ville de demain, mobilisant chaque année de jeunes experts venus du monde entier, dans une logique stimulante de confrontation d’idées et d’invention urbaine. L’Observatoire de l’expérimentation et de l’innovation locales (ŒIL) de la Fondation propose de suivre cette session 2018, de sa préparation aux délibérations du jury international. L’ingénieur-urbaniste Jean-Michel Vincent nous invite ici à découvrir les ateliers, ainsi que les grands questionnements et documents de cette session consacrée aux métropoles du XXIe siècle.

Au début, notre association s’appelait les ateliers d’été ; mais, quand c’est l’été au nord de l’équateur, c’est l’hiver au sud. Alors, avec des participants venant de tous les pays, nous nous appelons les Ateliers. Nous en avons fait 37 en Île-de-France ces trente-sept dernières années, 80 en tout, en comptant ceux que nous avons réalisés à l’international. Les ateliers, dits ateliers internationaux de maîtrise d’œuvre urbaine, ont pour caractéristique d’être force de proposition pour les décideurs.

Cette année, l’atelier francilien a pour sujet « La vie dans les métropoles au XXIe siècle ». C’est la préparation, exceptionnelle, de ce lieu de créativité, chaque fois renouvelé, que je vous invite à découvrir, en quelques documents.

Il a fallu en effet deux ans de travaux préparatoires pour labourer le terrain de cet atelier avant que deux douzaines de jeunes professionnels de toutes les disciplines, venus des quatre coins du monde ne produisent des idées pour agir, présentées à un jury international fin septembre 2018.

Si nous continuons à fabriquer cette formule depuis trente-sept ans, atelier après atelier, c’est qu’elle a fait la démonstration de son efficacité – la plus décisive étant le changement de lieu de l’exposition universelle de Shanghai de 2010, depuis les terrains autour de l’aéroport à ceux du centre-ville.

D’autres projets ont bénéficié, à leur émergence, des propositions de ces jeunes professionnels et des débats ainsi instaurés : Paris Saclay, par exemple, qui concentre le quart de la recherche française est issu d’un concours international d’idées d’urbanisme et de développement durable qui s’est tenu dans la foulée de l’atelier. Plus loin dans le temps, l’arrêt de l’urbanisme de dalle en France, la création du quartier international d’Anfa au Maroc ou la table-ronde des 38 maires de l’agglomération de Puebla… qui ne s’étaient jamais rencontrés avant cet atelier.

Comme toujours, la préparation commence par la définition d’un sujet et d’un territoire, et les débats qui se prolongent tout au long de la préparation de l’atelier font évoluer la pensée des acteurs. Pour en savoir plus, il existe un « feuilleton pour l’été » publié sur LinkedIn.

Pour énoncer la méthode en quelques mots, le travail d’un atelier consiste d’abord à créer les conditions de la créativité sur un sujet à enjeux, puis à donner, pendant la session, toute liberté aux jeunes participants de grimper les premiers barreaux de l’échelle de la création : refaire le monde, confronter les points de vue sous le flot des perceptions du territoire du sujet de l’atelier, marcher en équipe, à l’intuition raisonnée, en écartant les dogmes, sur des territoires allant de la petite échelle au grand paysage, pour esquisser à coup de doutes, d’alternatives, de compromis, maturés, des stratégies, des choix, de bonnes questions, des idées pour agir.

Le fondateur des ateliers, l’architecte et urbaniste Bertrand Warnier, dessine une première proposition de sujet et de territoire : 11 pages de dessins commentés. Habituellement, nous produisons une affiche et un document sujet pour l’appel de candidatures, un document contexte pour les participants sélectionnés (document appelé cette fois d’immersion au vu de sa taille) et un séminaire productif qui prépare l’atelier proprement dit à coup de questions pour les participants.

Au vu de l’ampleur du sujet, Bertrand Warnier souhaite de plus un séminaire de lancement fin 2017 et des soirées métropolitaines au premier semestre 2018 ; collectivement, nous en déciderons 4 : les métropoles face au défi climatique, habiter-travailler-mobilités, le numérique moyen ou fin en soi et enfin l’attractivité économique et culturelle. De quoi se mettre à la hauteur d’un tel sujet en s’enrichissant les uns les autres.

Il précise en introduction : « tout bouge – l’agriculture, le travail, le numérique… – de façon imprévisible mais continue et tout se dérègle – le climat en premier lieu. Et ajoute : la métropole parisienne est à l’orée de grands changements mais ne semble pas être munie d’une vision précise, alors que l’histoire a montré que celles-ci inscrivent durablement leur marque dans le territoire : Paris et les espaces verts d’Alphand au XIXe siècle, les métropoles d’équilibres et les villes nouvelles au XXe ».

Pour ma part, la vision à construire ne peut pas faire l’impasse sur le mur climatique qui surplombe la vie au XXIe siècle et conditionne tout le reste. Cette évidence est loin d’être partagée. Mais si la social-écologie a du sens, cela vaut la peine de lire aussi 3 pages et une question qui tentent d’enfoncer le clou : qu’est-ce que ça change ?.

Invités à penser à ce niveau, les intervenants planchent sur trois thèmes : la métropole et ses habitants face au gigantisme ; le numérique, un défi pour l’intelligence collective ; les métropoles face au défi climatique. Cette phase de l’atelier n’est qu’une entrée en matière. Le fruit qui en sort est vert mais prometteur. On y pointe la contradiction entre le désir de proximité et le gigantisme avec sa conséquence, la distance domicile-travail ; la contradiction aussi entre la recherche éperdue de profits des entreprises du numérique et la liberté, la vie privée de tout un chacun ; plus encore l’écart entre l’insouciance de la classe moyenne mondiale et le mur climatique, tout près, devant nous.

Sept mois de maturation plus tard et quatre soirées métropolitaines, faites ou préparées collectivement, le séminaire productif permet de faire un point, au-dessus de la mêlée.

Séminaire productif (extrait)
Jean-Claude Levy, historien, géographe et journaliste, pointe : doit-on parler du cycle de vie des déchets ? Ou des marchandises ? L’historique des flux et des stocks est impitoyable : l’économie linéaire – production-consommation-déchets – ruine notre écosystème : 10 tonnes de ressources consommées par an pour un européen, 340 tonnes accumulées au fil du temps et 5 tonnes de déchets par an, 60 tonnes accumulées.
L’économie circulaire pose la question de la valeur d’usage, de la valeur d’échange et donc de la monnaie et de la rente foncière par rapport aux marchandises. « Une intelligence stratégique est de nature à coordonner l’action des différents acteurs par niveaux territoriaux, adaptée aux contextes locaux ». Fondement de l’économie circulaire, cette intelligence stratégique renvoie à la proposition de pacte finance-climat de Jean Jouzel et Pierre Larouturou.
Guillaume Faburel, géographe et urbaniste, professeur à l’Institut d’urbanisme de Lyon, s’interroge : « quel pourrait être un modèle alternatif de la croissance urbaine ? Biorégion, polycentrisme et re-régionalisation, ainsi qu’à l’échelle des agglomérations : on peut penser autrement ».

Que lire dans cette préparation d’atelier exceptionnelle ? Un document de 4 pages écrit au sortir de cette préparation synthétise les contributions égrenées au fil d’un an de réflexions et d’échanges, bien au-delà du séminaire productif donc, ramassés en une petite dizaine de questions, documentées en quelques lignes.

D’autres pièces sont centrales pour la démarche : le document sujet (en accès direct ici) et le monumental document d’immersion (148 pages illustrées). Différents autres documents de cet atelier sont disponibles sur le site de notre association.

Les quatre questionnements que nous avons rédigés pour le document d’immersion (environ 6 pages illustrées chacun), sont les suivants :

Pourquoi lier grand paysage et défi climatique ? Du fait de cet enchaînement logique : la nourriture, les éco-énergies, les éco-matériaux poussent à la campagne et sont consommés en ville. C’est une affaire de productions renouvelables et d’organisation territoriale – autrement dit, d’intelligence collective aux différentes échelles de territoire : ce qui demande l’incontournable répartition raisonnée des espaces et des ressources, pour vivre bien. Le grand paysage en est l’expression spatiale, une entrée de surcroît apaisante sur le sujet.

D’autres éclairages se trouvent dans les comptes-rendus des quatre soirées métropolitaines qui sont disponibles dans le « feuilleton de l’été », aux épisodes 4, 5, 8, 9. S’y trouvent également les travaux des experts appelés à plancher cette année écoulée. L’objet de ces soirées ? « Un enrichissement par ce que les intervenants apportent sur le volet sociétal, professionnel ou social dans leurs interventions initiales : des faits qui ne s’admettent pas (consensus et débats), la mise en évidence de pratiques qui fonctionnent, une vision sur ce qu’il faudrait faire pour vivre bien dans la région métropole, à la vitesse nécessaire pour échapper au mur climatique ».

Les métropoles zéro carbone
L’ancien maire de Copenhague, Ritt Bjerreggard, a lancé « Copenhague zéro carbone », au sortir de l’échec de la COP 15 en 2009, à l’horizon 2025. La ville est en passe de réussir.
Dans la foulée de la COP 21, Paris vient de voter son plan climat zéro-carbone et 100% énergies renouvelables à l’horizon 2050, avec une étape en 2030.
C’est une question d’argent et vous n’en avez pas ? Alors lisez cette page résumant la proposition du pacte finance climat. Et au moins, signez.
Vous n’y croyez pas ? Que vous soyez habitant ou entrepreneur, vous êtes seul décideur et serez peut-être convaincues par les argumentations disponibles ici.
Et si vous pensez qu’une action individuelle de l’habitant que vous êtes n’a pas d’impact, multipliez-la par 2 milliards : c’est l’effectif de la classe moyenne et supérieure mondiale ; celle qui émet 80% des gaz à effet de serre, celle qui gagne plus de 10 dollars par jour et par personne. Cerise sur le gâteau, vous peut-être êtes à la tête de l’intelligence stratégique de votre territoire ou parfois entrepreneur.

La vie dans les métropoles au XXIe siècle ? Des jeunes participants sont entrés en scène le 3 septembre 2018 et, pendant un mois, ils seront les maîtres du monde dans lequel ils veulent vivre. Les travaux se concluront le 28 septembre par la réunion d’un jury qui sélectionnera une des « visions » construites pendant ces ateliers. Rendez-vous est pris !

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