Le 60ème anniversaire de la déclaration de Robert Schuman

Le 9 mai 2010, la France et les autres Etats membres de l’Union européenne ont, comme chaque année depuis 1986, célébré la « fête de l’Europe ». Cette année, nous célébrons aussi le soixantième anniversaire de la déclaration de Robert Schuman, considérée comme le point de départ de la construction européenne. Soixante ans après, où en est l’Union européenne ?

Le 9 mai 2010, la France et les autres Etats membres de l’Union européenne ont, comme chaque année depuis 1986, célébré la « fête de l’Europe ». Cette année, nous célébrons aussi le soixantième anniversaire de la déclaration que Robert Schuman, alors ministre des Affaires étrangères, prononça solennellement le 9 mai 1950 dans le salon de l’Horloge du quai d’Orsay et qui est considérée comme le point de départ de la construction européenne.

Que disait Robert Schuman ? Dans ce texte, rédigé avec Jean Monnet, l’un des pères fondateurs de la CEE, il mettait en place les bases du premier marché commun entre six pays impliqués dans la Seconde guerre mondiale : la France, l’Allemagne, le Luxembourg, l’Italie, la Belgique et les Pays-Bas. Ce sera le traité de Paris du 18 avril 1951 qui institue la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA). L’objectif de ce traité est de sceller la réconciliation franco-allemande et de rendre la guerre impossible par la mise en commun de deux importantes ressources, le charbon et l’acier, au sein d’une communauté où se retrouvent les vainqueurs et les vaincus. La démarche est connue : il s’agit de créer des « solidarités de fait » au service de la paix.

Soixante ans ont passé depuis cette déclaration, au cours desquels la construction européenne a pris son envol. Six ans après le traité de Paris, en 1957, le traité de Rome instituait la Communauté Economique Européenne (CEE) qui deviendra l’Union européenne (UE) avec le traité de Maastricht en 1992. Première puissance économique mondiale, l’UE regroupe aujourd’hui vingt-sept Etats membres et réunit près de cinq cents millions de citoyens européens dans un ensemble démocratique unique au monde. Seize de ces Etats membres sont liés par une monnaie unique, l’euro. Si l’objectif premier de Robert Schuman a été atteint – depuis soixante ans les Européens vivent en paix – ironie de l’Histoire, la fête de l’Europe se déroule cette année dans un climat de crise financière, économique et sociale parmi les plus graves qu’ait connue l’Union. Plusieurs de ses Etats membres sont menacés de faillite, sa monnaie est attaquée sur les marchés financiers, les eurosceptiques n’hésitent pas à annoncer avec gourmandise la fin de cette formidable aventure européenne qu’ils n’ont jamais acceptée.

Et pourtant, plus que jamais la construction européenne doit se poursuivre et les valeurs qui la fondent défendues au regard de l’état actuel du monde. Certes, cette crise a mis en lumière les insuffisances criantes de l’UE, notamment sur le plan de la gouvernance économique et de la solidarité entre Etats membres qui préfèrent trop souvent le repli national à l’audace européenne. La décision, le 9 mai dernier – le jour de la fête de l’Europe – de créer un plan d’aide de 750 milliards d’euros aux pays en difficulté va dans le bon sens, mais il faut désormais aller plus loin et faire émerger un vrai gouvernement économique européen que les socialistes français notamment appellent de leurs vœux depuis si longtemps.

On peut espérer que ces graves événements vont faire prendre conscience de la nécessité d’un salutaire sursaut du projet européen et du renforcement de la cohésion de l’Union européenne sur tous les plans, notamment sur celui de sa puissance politique, trop limitée encore à une addition d’Etats. Jean Monnet disait que l’Europe avance dans la crise. Elle en a surmonté un certain nombre au cours de sa jeune histoire. Celle de 2010 est l’une des plus sévères, dans un monde qui a beaucoup changé depuis 1950. Raison de plus pour que les dirigeants européens aient la volonté et le courage politiques de réagir. Mais ont-ils vraiment le choix, sauf à défaire ce qui a été construit en soixante ans et à abandonner chaque Etat membre à un sort peu enviable dans la mondialisation.

Les actions de la Fondation

Depuis sa création en 1992, la Fondation Jean-Jaurès et son président Pierre Mauroy ont placé l’Europe au cœur de leur action et de leur réflexion et soutiennent la construction européenne dans toutes ses dimension.

Sur le plan de la culture, avec trois grandes manifestations en partenariat avec des associations et fondations amies : en 1998 « La force de la Culture », en 1999 « Les stéréotypes nationaux et la construction européenne », en 2000 « Les chemins de la création européenne », en 2003 : « du bon usage des grands hommes en Europe ».

Depuis dix ans, plusieurs séminaires annuels « Femmes d’Europe entre elles… ont réuni régulièrement des Européennes de l’est et de l’ouest et analysé les politiques d’égalité dans l’UE : 2003 : une rencontre entre femmes d’Europe de l’est et de l’ouest, 2004 : quelle Europe les Européennes veulent-elles ? ; 2005 : quelles bonnes pratiques pour l’égalité et la parité en Europe? ; 2007 : où en sont les politiques d’égalité dans l’Union ? ; 2010 : Quelle situation des femmes dans l’emploi dans l’Union européenne ?

Depuis dix ans, alternativement à Paris et à Berlin, le forum franco-allemand scrute les sociétés française, allemande et européenne à travers des thèmes aussi divers que « La science et la société européenne » (2002), « La société européenne face à ses mutations et aux valeurs qui la fondent » (2004), « Que signifie être européen aujourd’hui ? » (2005), « L’Europe dans un monde incertain » (2006), etc.

En 2005, la Fondation a organisé à la Maison de l’Europe de Paris un colloque pour soutenir le traité constitutionnel intitulé « Pourquoi voter OUI, quatre scénarios pour l’Europe ».

De nombreux autres séminaires, colloques et autres ont été organisés autour de la thématique de l’Europe par la Fondation Jean-Jaurès, seule, ou en partenariat avec d’autres fondations, telles que la Friedrich Ebert ou la FEPS par exemple.

La Fondation a également publié, depuis sa création, de nombreuses études et notes sur l’Europe, dans toutes ses dimensions.

La mondialisation et le rôle que l’Europe peut jouer est un sujet que la Fondation a suivi comme fil rouge depuis plusieurs années.

A l’heure de la crise financière qui touche les pays de la zone euro, il est intéressant de lire ou relire les analyses de la Fondation à travers les années.

En 2009, Henri Nallet appelait l’UE à prendre des orientations pour relancer les coopérations stratégiques et à se mettre d’accord sur le monde qu’elle souhaitait pour combattre la crise dans son Essai du 25 septembre 2009 : D’un monde à l’autre. Que peut l’Europe face à la crise ?

Dans une Note du 1er novembre 2006, Mondialisation : une perspective européenne, John Sutton remettait en question un certain nombre d’idées fausses sur la mondialisation et ses conséquences pour les économies européennes en démontrant que des prestations sociales élevées n’avaient pas de conséquences négatives sur la compétitivité d’une économie.

Toujours sur le thème de la mondialisation, l’Essai de Pascal Lamy le 1er mai 2003 Quelle Europe pour notre monde ? s’interrogeait déjà sur le rôle que l’Europe pouvait jouer dans un monde globalisé où les choix de gouvernance sont déterminants.

L’étude commune que Pascal Lamy avait menée avec Jean Pisani-Ferry en janvier 2002 L’Europe de nos volontés montrait que dans un contexte de mondialisation et d’affaiblissement des formes nationales de la régulation publique, l’Union européenne était intrinsèquement une tentative de construction d’un acteur public à la mesure du capitalisme d’aujourd’hui.

D’autres aspects de la construction européenne et de l’UE ont également été abordés dans des publications de la Fondation.

L’Europe de la Justice tout d’abord, avec l’Essai de David Chekroun et Etienne Pataut du 25 mai 2009. Les deux auteurs ont formulé des propositions concrètes de ce que pourrait être l’intégration des politiques relatives à l’«espace de liberté, sécurité, justice» et tracé les grandes lignes d’une Europe de la justice qui reste à bâtir.

L’Europe de la défense, d’autre part, notamment dans l’Essai de Paul Quilès le 1er juin 2005. La défense au cœur de l’Europe qui définit une conception socialiste de l’Europe de la défense, qui est partie intégrante d’une conception politique globale et concourt à la réalisation d’objectifs (diplomatiques, économiques, sociaux…) qui dépassent la seule sphère de la défense.

Enfin, les différentes étapes historiques de l’Europe politique ont été traitées dans des études de la Fondation : de l’histoire de la construction européenne, au rôle des socialistes et aux crises et nouveaux défis qu’a pu rencontrer l’UE.

Jean-Christophe Cambadélis, le 24 Avril 2009 dans son Essai Les socialistes européens et les temps nouveaux appelait les sociaux-démocrates à imposer leur modèle à l’heure où le capitalisme financier outrancier entraînait la crise que nous subissons toujours aujourd’hui.

En juillet 2007, Adrien Abécassis mettait en lumière la crise institutionnelle, mais surtout la crise de sens qui touchait l’UE, dans son Essai La crise de la cinquantaine – L’Europe : cinquante ans passés, quel avenir.

Déjà, la méthode de l’Europe « à petits pas » s’essoufflait et l’Europe pâtissait de son manque de politiques communes, en matière sociale notamment.
Une grande Etude menée par Alain Bergounioux, Alain Mergier, Bruno Cautrès, Dominique Strauss-Kahn, Gérard Le Gal, Hervé Le Bras, Jean Pisani-Ferry, Jean-Christophe Cambadélis et Vincent Tiberj Le jour où la France a dit non. Comprendre le référendum du 29 mai 2005 avait déjà formulé des explications de cette grave crise pluridimensionnelle que traverse l’Europe, depuis le « Non » au traité constitutionnel de 2005.

En juillet 2000, l’Etude Quo vadis Europa ? Les avenirs de l’Union européenne analysait le le discours prononcé à Humbold lançait un débat décisif sur l’avenir, ou, plutôt, les avenirs de l’Union européenne. Des analyses de Giuliano Amato, Jacques Delors, Joschka Fisher, Lionel Jospin, Dominique Strauss-Kahn et Hubert Védrine abordait tous les défis de l’UE en l’an 2000.

Enfin, il est intéressant de redécouvrir les publications de la Fondation sur le rôle qu’ont joué les socialistes à travers l’histoire de la construction européenne en France, avec l’Essai de Denis Lefebvre du 1er juin 2007 Les socialistes et l’Europe – De la Résistance aux traités de Rome et en Europe avec Le PS et le SPD face à la construction européenne publié le 1er avril 2003 par Tanja Wiegloss.

Enfin, pour un panorama général sur les socialistes français et l’unité européenne, vous pouvez découvrir une note de Gérard Bossuat, Professeur des Universités (chaire Jean Monnet) conçue pour la Fondation Jean-Jaurès à l’occasion du 60ème anniversaire de la déclaration Schuman : Les socialistes français et l’unité européenne, le choix du réalisme (de Léon Blum à François Mitterrand).

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