Les femmes handicapées réclament un plein accès aux services publics

Quel accès aux services publics pour les femmes handicapées ? Claire Desaint, vice-présidente de Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir, met en avant les discriminations auxquelles les femmes handicapées sont confrontées dans tous les domaines de la vie quotidienne, notamment pour accéder aux services publics, et soumet des recommandations aux pouvoirs publics.

Les femmes handicapées vivent une double discrimination dans tous les domaines de la vie : éducation, emploi, santé, logement, transports, loisirs, culture, sports, accès aux responsabilités, vie citoyenne, politique, associative… Isolées par leur handicap, elles sont rendues invisibles et exclues de la vie sociale et de la vie de la cité.

Les femmes handicapées veulent être reconnues comme femmes et pour leurs compétences, leurs ressources et leur expertise, plutôt que pour leur vulnérabilité. Les femmes handicapées exigent donc le plus élémentaire des droits : celui de participer à la vie sociale et citoyenne. Elles veulent se faire entendre et pouvoir dire haut et fort ce qu’elles veulent pour elles et pour la société dans laquelle elles vivent, pour leur famille et pour leurs enfants. 

Situation des personnes handicapées

Environ 10% de la population mondiale, soit 650 millions de personnes, vit avec un handicap. Elles constituent la plus large minorité au monde. En Europe, les rapports indiquent que « les femmes handicapées ou ayant des problèmes de santé de longue durée représentent environ 16% de la population totale des femmes en Europe, soit autour de 40 millions de femmes et ce pourcentage est à peu près le même chez les hommes ».

80% des personnes handicapées vivent dans les pays en développement, d’après le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Dans la plupart des pays de l’OCDE, la fréquence des handicaps est plus élevée chez les femmes que chez les hommes »>https://www.un.org/french/disabilities/default.asp?id=833]].

La Banque mondiale estime que 20% des personnes les plus pauvres sont handicapées et ont tendance à être considérées comme plus désavantagées par les membres de leur propre communauté. Or, les systèmes de protection sociale peuvent ne pas reconnaître les différences de genre, bien qu’elles soient soulignées dans les conventions internationales.

Cadre législatif international

  • La Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées de l’ONU entrée en vigueur en 2006 a été ratifiée par 161 pays.

Cette Convention a été ratifiée par l’Union européenne, le 26 novembre 2009, donnant à la Convention le caractère hautement symbolique de premier traité international relatif aux droits de l’Homme ratifié par l’Union.

La Convention constitue une remarquable avancée en faveur de la promotion et de la défense des droits des personnes handicapées dans le monde. Elle ne parle pas de handicap mais de personnes « qui présentent des incapacités durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres ».

Le handicap est bien la conséquence d’une interaction entre la personne et les obstacles dressés par son environnement, et non une infériorité. 

À la suite du peu d’informations sur les femmes handicapées dans les rapports au Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDEF), ce dernier a fait la recommandation générale n°18 lors de sa dixième session en 1991 : « Préoccupé par la situation des femmes handicapées et des femmes âgées, qui souffrent d’une double discrimination en raison de leur sexe et de leurs conditions de vie particulières, [il] recommande que les États parties à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes incluent dans leurs rapports périodiques des renseignements sur la situation des femmes handicapées et sur les mesures prises pour faire face à leur situation particulière, notamment les mesures particulières prises pour veiller à ce qu’elles aient un accès égal à l’éducation et à l’emploi, aux services de santé et à la sécurité sociale, et pour faire en sorte qu’elles puissent participer à tous les domaines de la vie sociale et culturelle ».

Elle insiste sur le besoin de reconnaître que la violence contre les femmes prend une forme spécifique quand genre et handicap s’additionnent.

Cadre législatif européen

L’Union européenne s’est emparée de cette problématique et a publié plusieurs rapports et études. « Les femmes handicapées doivent faire face à l’« intersection » du genre et du handicap dont l’effet cumulatif crée une situation de désavantage et de discrimination qui leur est propre »

Invisibilité des femmes et des filles handicapées

Les femmes et les filles handicapées sont invisibles, que ce soit dans les politiques du handicap ou dans les politiques d’égalité femmes-hommes. 

  • Les politiques du handicap se font sans aucune approche genrée, les personnes handicapées sont présentées comme asexuées, c’est-à-dire le plus souvent considérées au masculin. L’invisibilité des femmes handicapées est renforcée par le manque de données statistiques sexuées dans les chiffres et les pourcentages concernant les personnes handicapées. 

Les femmes handicapées sont encore très peu présentes dans les instances de décision et organismes de représentation des personnes handicapées. 

  • Les politiques d’égalité femmes-hommes ont, jusqu’à très récemment suite aux demandes de Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir (FDFA), ignoré les femmes handicapées. Il est nécessaire d’y inclure une approche transversale du handicap et d’instaurer une formation au handicap pour que les droits des femmes handicapées soient pris en compte. C’est le combat de notre association pour que les violences vécues par les femmes handicapées soient incluses dans les plans d’action contre les violences.

En conséquence de ces invisibilités, ce sont les hommes qui bénéficient en majorité des préconisations, dispositions et mesures adoptées en faveur des personnes handicapées. Ainsi, en France, l’obligation d’emploi de 6% de « travailleurs handicapés » (au masculin… ou au neutre !) ne contient aucune mention de mixité. Il est donc difficile de connaître la réalité de la situation des femmes handicapées et d’évaluer l’effectivité des droits des femmes en situation de handicap. 

Difficile accès à l’éducation

Scolarité et orientation

La possibilité d’une vie autonome est étroitement liée à l’obtention d’une formation qui permette aux femmes handicapées d’être indépendantes.

Les stéréotypes sur le genre s’appliquent fortement sur les filles handicapées : « les filles ont moins besoin de formation » que les garçons car « la famille s’occupera d’elles ». Il est plus facilement admis qu’une femme handicapée reste au foyer, prise en charge par sa famille, que pour un homme : « elle fera au moins des tâches ménagères à la maison ». Les filles en situation de handicap sont donc bénéficiaires d’encore moins de formation que les garçons handicapés et le plus souvent orientées en fonction de leur handicap et non de leurs talents et goûts.

Trop de filles handicapées sont orientées vers les filières traditionnellement « féminines » comme le « care », les emplois de bureau, la comptabilité. Peu de filières leur sont proposées, le choix est fait par défaut et pour leur fournir une occupation et non un métier. 

Les contrats d’apprentissage sont peu répandus pour les filles handicapées : ainsi au 1er trimestre 2015, dans les parcours de formation professionnelle proposés par l’AGEFIPH (Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des handicapés), seulement 23% des demandeur.e.s d’emploi en contrat d’apprentissage étaient des femmes.

  • Il conviendrait de veiller à la scolarisation complète des filles handicapées, à multiplier les auxiliaires de vie scolaire pour accompagner les filles handicapées dans leur parcours et à former au handicap les enseignant.e.s et les personnes en charge de l’orientation et à la diversification des filières, en particulier les filières innovantes et les nouveaux métiers porteurs d’emploi, comme le numérique.
  • Les établissements et les transports scolaires doivent être accessibles.
  • Les établissements scolaires doivent lutter contre les violences et le harcèlement (y compris sexuel) qui s’exercent très fréquemment sur les filles handicapées, amenant des parents à ne plus scolariser leurs filles. 

Enseignement supérieur

En France, 46% des personnes reconnues handicapées sont sans diplôme ou possèdent uniquement le brevet des collèges, contre 28% de la population totale. Mais les femmes reconnues handicapées sont plus nombreuses que leurs homologues masculins à avoir le baccalauréat ou plus (28% contre 22%). 

Les données sexuées concernant les étudiant.e.s handicapé.e.s sont pratiquement inexistantes. Mais, dans un tableau du recensement des étudiants en situation de handicap fait en 2012, il est visible que les femmes handicapées poursuivent plus longtemps leurs études (53,2% pour les femmes, et 46,48% pour les hommes) malgré les difficultés rencontrées (le recensement de 2016-2017 n’a aucune donnée sexuée). Mais il est à noter que, à diplôme égal et compétences égales, les entreprises embauchent plus facilement les hommes handicapés.

La loi de février 2005 fait obligation de rendre accessibles les établissements recevant du public (ERP) de l’enseignement supérieur. Mais un rapport a montré l’impossibilité de respecter la date butoir du 31 décembre 2010, quelque 800 millions d’euros étant nécessaires pour les 148 établissements concernés. En 2015, environ 10 % des universités avaient adopté un schéma directeur handicap »>https://etudiant.lefigaro.fr/les-news/actu/detail/article/accessibilite-…. Le retard est plus grand dans les écoles privées qui ont moins de contraintes.

Un parcours de combattante pour avoir un emploi

Accès à l’emploi

Les personnes handicapées rencontrent d’énormes difficultés en arrivant sur le marché du travail. Le handicap est considéré comme un des principaux critères discriminant dans l’accès à l’emploi. Et les femmes handicapées ont moins de chance de trouver un emploi que les hommes handicapés ; la double discrimination est là : être handicapée et être femme. Le taux d’emploi des femmes est légèrement inférieur à celui des hommes (36% contre 38%) mais 47% des femmes handicapées en emploi le sont à temps partiel ou dans des emplois précaires. Leur taux de chômage est de 19% (8,8% pour la population active). Le travail des femmes handicapées est encore considéré comme une occupation plutôt qu’un moyen d’autonomie financière et d’intégration sociale.

Dans l’Union européenne, leur taux d’emploi est faible : 18,8%, alors que 28,1% des hommes handicapés ont un emploi. Les femmes handicapées qui ne sont pas en emploi sont moins nombreuses que les hommes à engager des démarches de recherche d’emploi et sont plus souvent en situation d’inactivité (55% contre 45% des hommes).

La conciliation emploi-vie familiale et privée est également plus difficile pour les femmes handicapées, qui doivent composer en plus avec des temps pour les soins et/ou la rééducation.

Sous-emploi

Les managers portent un regard contradictoire sur les personnes en situation de handicap : jugées « courageuses », « volontaires », « fortes », mais aussi perçues comme « lentes » et « inadaptées ». On leur confie des tâches bien en-dessous de leurs compétences, voire « on les met au placard ». 

Les femmes handicapées rencontrent, en plus de l’inaccessibilité, de nombreux obstacles dans leur accès à l’emploi : le manque de formation à l’approche de genre des personnels des services pour l’emploi, l’absence d’organisation du temps de travail pour concilier soins, travail, vie familiale et personnelle, des services de garde d’enfants le plus souvent peu accessibles. 

La majorité des femmes handicapées étant peu qualifiée, en raison d’une éducation chaotique, est cantonnée dans des tâches non valorisantes et non choisies, des emplois à temps partiel. Les femmes handicapées risquent davantage que les femmes valides d’avoir un emploi à statut inférieur, moins bien payé et des conditions de travail moins avantageuses. 

Les femmes handicapées ont donc pour la plupart de très petits revenus : prestation de compensation du handicap, petits salaires en raison d’une situation professionnelle difficile. En conséquence, les femmes en situation de handicap font face à la précarité et à la pauvreté. Par la suite, leurs retraites sont très faibles et leur dépendance s’accroît avec l’âge.

Dans la fonction publique, on note une place prépondérante des femmes reconnues porteuses d’un handicap par rapport à l’ensemble des personnes reconnues handicapées : 57%, et notamment dans la branche hospitalière (74%). En revanche, les femmes sont toujours moins présentes dans les structures de travail protégé ou adapté, sans doute parce que les activités industrielles prédominent dans ces structures.

Carrière professionnelle

Développer leur carrière professionnelle est difficile : les femmes handicapées ont peu d’accès aux formations professionnelles et à la reconversion en raison de difficultés d’accessibilité, de déplacement, de garde d’enfants. Les données existantes sur la formation professionnelle révèlent qu’un faible pourcentage de femmes en bénéficie. Plus d’efforts sont consacrés à la réadaptation professionnelle des hommes qu’à celle des femmes. Elles restent donc souvent confinées dans un même poste, mises en retraite anticipée. La femme handicapée est encouragée à demander des allocations plutôt que de travailler. Ainsi, 36% des femmes bénéficient de l’aide au maintien dans l’emploi par l’AGEFIPH.

Les syndicats et organismes représentatifs font le plus souvent preuve de manque d’intérêt vis-à-vis de la situation des femmes handicapées. 

Être une femme, en plus d’être handicapée, rend quasi-inévitable l’exploitation professionnelle. Le harcèlement et les violences au travail sont multiples : insultes, dévalorisation, mise au placard, sexisme, abus sexuels. 

Les femmes handicapées se heurtent au plafond de verre, placé encore plus bas que pour les femmes « valides », pour accéder aux responsabilités professionnelles et aux postes de décision. Les préjugés commencent dès les études supérieures, puis dans la carrière, sur leurs capacités. On leur offre peu de formation, peu de promotion. En France, seulement 1% des femmes handicapées qui travaillent sont cadres contre 14% de l’ensemble des femmes en emploi. Elles ne se trouvent pas à des postes à responsabilité dans les entreprises ou les syndicats, ni à un haut niveau dans la fonction publique. 

Il convient donc de former à la dimension du genre les structures d’aide à la recherche d’emploi et de recrutement de personnes handicapées, développer les gardes d’enfants accessibles aux mères handicapées, sensibiliser les syndicats et les partenaires sociaux afin d’intégrer une approche genrée dans les différents volets des négociations collectives et plans d’action sur l’emploi des personnes en situation de handicap, genrer le quota obligatoire de 6% de salarié.e.s handicapé.e.s, promouvoir des modèles de réussite professionnelle, augmenter la représentation et la participation des femmes handicapées dans les processus de décision, les postes de direction, les conseils d’administration, et instaurer une pension de retraite progressive.

Inaccessibilité des services de santé et droits sexuels et reproductifs ignorés

Les femmes handicapées, selon leurs spécificités, vont se heurter tout d’abord à un manque d’accessibilité des centres de soins : cabinets médicaux, gynécologiques, radiologiques, hôpitaux, laboratoires, appareillages de mammographie, fauteuils d’examen gynécologique, leur choix de praticien.ne.s s’en trouve limité voire impossible. Et elles sont exclues de mesures préventives comme le dépistage du cancer du sein ou de l’utérus. 

Ensuite elles sont confrontées à l’ignorance et au manque de formation du milieu médical et de soins de ce qu’est le handicap, des limitations qu’il entraîne, de ce qu’il représente de spécifique. Ce qui a pour conséquence le manque de prise en charge des problèmes de santé, autres que ceux du handicap. 

Enfin, les femmes handicapées sont le plus souvent dissuadées d’être mère. C’est un vrai parcours de combattante pour accéder à la maternité. Les femmes handicapées bénéficient rarement d’un soutien tout au long de leur grossesse et maternité et se heurtent à de multiples obstacles pour accéder aux services de reproduction et d’adoption. Quand elles sont mères, il leur faut beaucoup de persuasion pour montrer qu’elles sont capables de s’occuper de leur bébé. 

Nous demandons par conséquent de rendre accessibles les locaux médicaux et paramédicaux, les hôpitaux et d’adapter les matériels de soin.

Le Comité femmes du Forum européen des personnes handicapées (European Disability Forum) a publié le 8 mars 2019 un texte sur ce sujet : « La santé et les droits sexuels et reproductifs des femmes et filles en situation de handicap ». Les femmes handicapées « sont victimes de traitements discriminatoires et de maltraitances qui affectent particulièrement leur santé et leurs droits sexuels et reproductifs, avec des conséquences importantes et parfois irrémédiables sur leur vie ».

Les femmes et les filles handicapées sont soumises à un contrôle strict et répressif de leur sexualité, on ne leur donne pas le choix de leur méthode de contraception, on les dissuade de devenir mère. Elles reçoivent très peu d’information, d’éducation et de formation sur leurs droits sexuels et reproductifs. Les familles et les professionnel.le.s des secteurs de la santé, de l’éducation et du droit, sont peu formé.e.s sur ces questions. Les femmes et les filles handicapées sont ainsi exposées à la violence, aux grossesses non désirées, aux maladies sexuellement transmissibles et à l’exploitation sexuelle, depuis leur enfance, parfois même par des proches et en toute impunité. 

Le Comité femmes du Forum européen des personnes handicapées demande :

  • des informations accessibles à toutes les femmes et filles handicapées sur leurs droits sexuels et reproductifs,
  • une éducation sexuelle, adaptée à leur âge, en particulier en institution,
  • les femmes et filles handicapées doivent donner leur consentement éclairé pour tout choix relatif à leur santé et à leurs droits sexuels et reproductifs. Aucune décision en cette matière ne doit être prise par un tiers, 
  • les femmes et filles handicapées doivent participer activement ainsi que leurs organisations représentatives pour toute loi, politique ou programme relatifs à la santé et aux droits en matière de sexualité et de procréation, ou ayant une incidence sur ces droits.

On peut également recommander de :

  • ouvrir largement l’information à destination des femmes handicapées, sur la santé, la prévention, les diverses options de contraception, la grossesse, la maternité, l’IVG,
  • développer des centres pour accompagner la grossesse et la maternité des femmes handicapées.

Quatre femmes handicapées sur cinq subissent des violences

Selon le Rapport sur la situation des femmes handicapées dans l’Union européenne (2006/2277(INI)) publié par le Parlement européen, près de 80% des femmes handicapées sont victimes de violences, et les femmes handicapées sont quatre fois plus susceptibles de subir des violences sexuelles. Selon ce même rapport, 80% des femmes handicapées vivant en institution subissent des violences.

La Rapporteure spéciale sur la violence faite aux femmes, Rashida Manjoo, a d’ailleurs repris ces chiffres et axé son rapport à l’ONU d’octobre 2012 sur la violence faite aux femmes porteuses de handicap et exprimé sa profonde préoccupation sur la permanence et la propagation de ces violences et la nécessité de traiter de ce problème occulté.

Les femmes en situation de handicap, rendues fragiles par leurs difficultés physiques ou même intellectuelles (perte de vision, difficulté à entendre, restriction motrice, excès de confiance dans l’aidant) se trouvent être plus vulnérables à toutes violences, agressions verbales, physiques – notamment sexuelles – et psychologiques. En France, ce sont environ 80% des femmes handicapées qui en sont victimes. La maltraitance « en creux » au quotidien, en milieu familial ou institutionnel, faite de violence verbale, d’indifférence, de négligence, de dévalorisation ou d’humiliation, a la particularité d’être le plus souvent invisible. Elle ne laisse pas de traces immédiatement décelables.

Même si la vulnérabilité ne doit pas être quelque chose qui identifie les personnes handicapées, elles ont généralement moins que les autres les moyens de se protéger. Dans ces situations de stress, les violences ont de fortes conséquences sur l’autonomie des femmes qui les subissent. 

L’association Femmes pour le dire, femmes pour agir a donc mis en place un numéro spécifique « Ecoute Violences femmes handicapées » (01 40 47 06 06) avec des écoutantes formées, un accompagnement juridique, social et un accompagnement psychologique. 

Porter plainte leur est plus difficile qu’aux autres, elles sont moins crues que les autres par la police. Elles sont de plus muselées par la honte, par la culpabilité et doivent faire face au déni de leur entourage.

Une autre dimension à prendre en compte est celle des femmes qui deviennent handicapées à la suite de violences, avec les conséquences pour elles en termes de perte d’autonomie physique, économique, sociale, etc.

Pas de données, ni études ou recherches

La violence contre les femmes en situation de handicap ne fait pas l’objet de statistiques, de recherches ou d’études en France ; il n’y a pas de croisement des études sur le genre et sur le handicap. Un léger progrès : l’enquête Virage de 2015 a posé une question sur l’état de santé, mais n’a pas été menée dans les institutions.

Pour prévenir les violences, plusieurs dispositions sont à mettre en place :

  • sensibiliser et former les professionnel.le.s en charge de personnes handicapées,
  • informer les femmes en situation de handicap sur leurs droits,
  • former les jeunes et les adultes, en particulier dans les institutions, à l’égalité femmes-hommes et à la prévention de la violence,
  • rendre accessibles aux femmes handicapées les locaux pour recevoir leurs plaintes, les centres d’accueil et d’hébergement d’urgence,
  • développer les statistiques sur les violences envers les femmes.

Déni de justice

Des milliers de femmes et de filles handicapées se voient refuser l’accès à la justice. On constate un manque d’information des femmes et filles handicapées sur leurs droits : il n’y a aucune éducation à leurs droits et les informations sont peu accessibles. 

Il est très difficile pour les femmes handicapées de porter plainte : elles ont peur de ne pas être crues, on ne fait pas confiance à leurs déclarations. Leur isolement leur rend difficiles les recours à la police ou aux services sociaux. Les commissariats et les tribunaux ne sont souvent pas accessibles. 

Les femmes et filles handicapées se heurtent également au manque de formation des professionnel.le.s – policier.ère.s, magistrat.e.s, avocat.e.s, médecins – à la problématique des violences envers les femmes handicapées. 

Enfin, peu de centres d’hébergement d’urgence sont accessibles aux femmes et filles handicapées.

Nous préconisons de :

  • informer les filles et femmes handicapées sur leurs droits,
  • former les professionnel.le.s à la problématique des violences envers les femmes handicapées : médecins, policier.ère.s, magistrat.e.s, avocat.e.s afin que les femmes et filles handicapées soient écoutées avec bienveillance et crues lors de dépôts de plaintes,
  • rendre accessibles tous les lieux de justice : commissariats, cabinets d’avocat.e.s, tribunaux, centres d’hébergement d’urgence.

Exclusion de la vie citoyenne

La première étape de la participation des femmes handicapées aux responsabilités est d’être consultées et écoutées dans les décisions qui influent sur leur vie, là où ces décisions sont prises en dehors d’elles, le plus souvent par des personnes valides. Même dans les associations de personnes handicapées, ce sont le plus souvent des hommes qui participent aux prises de décision. Les femmes handicapées veulent être reconnues pour leurs compétences, leurs ressources et leur expertise, plutôt que pour leur vulnérabilité.

Elles veulent participer à la vie publique avec des bureaux de vote et des salles de réunion accessibles. Les femmes handicapées sont sous-représentées dans les procédures démocratiques et plus généralement dans les processus décisionnels, elles ne sont pas sur des listes de candidat.e.s.

Nous préconisons de : 

  • donner de l’autonomie aux femmes handicapées pour qu’elles puissent prendre elles-mêmes leurs décisions : éducation, orientation, choix professionnel, du logement, des vacances, des soins…,
  • les informer sur leurs droits en rendant accessibles les documents, les sites Internet…,
  • favoriser leur représentation et participation effective aux débats publics, aux élections (bureaux de vote, bulletins), aux instances à tous les niveaux,
  • ouvrir les possibilités d’être élue dans les instances politiques, les partis, les syndicats, les associations,
  • sensibiliser les médias à inviter des femmes handicapées sur les plateaux. 

Conclusion  

Changer le regard sur les femmes en situation de handicap est un enjeu de société. Les femmes handicapées sont des personnes avant d’être « handicapées ». Plutôt que de les renvoyer sans cesse à leur situation de personnes handicapées comme si leurs préoccupations n’étaient pas les mêmes que celles de toutes les citoyennes – famille, éducation, travail, santé, justice, loisirs, culture, sport… –, la société doit leur permettre d’affirmer leur féminité, d’épanouir leurs potentialités et de développer leurs compétences dans tous les domaines de la vie citoyenne. La société en sera enrichie.

Ce texte est tiré de l’intervention de Claire Desaint lors du parallel event « Les femmes en situation de vulnérabilité et de pauvreté : quels accès aux services publics et à la protection sociale ? » qui s’est tenu le 13 mars 2019, dans le cadre de la 63e Commission de la condition de la femme à l’ONU à New York, en partenariat avec la CLEF, Réussir l’égalité Femmes-Hommes (REFH), Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir (FDFA), Women Enabled International, la Fondation du Dr Denis Mukwege, Femmes solidaires et la FEPS.

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