Les RG, la SDIG et après ? Rebâtir le renseignement de proximité

Après son élection, Nicolas Sarkozy décide de bouleverser l’appareil de renseignement français mais la réforme de 2008, mal préparée, principalement d’essence politique, a aggravé les dysfonctionnements. Jean-Jacques Urvoas revient sur son impact et présente des propositions pour reconstruire le renseignement intérieur en France.

Au moment où les services de renseignements font l’objet de critiques, c’est la première fois qu’est bâtie une réflexion en profondeur sur la réforme de 2008 qui a abouti à la création de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) et de la Sous-direction de l’information générale (SDIG).
Cette Note revient sur les raisons qui ont conduit Nicolas Sarkozy à redessiner notre appareil de renseignement intérieur. Avec la naissance de la DCRI, un double mouvement s’est opéré ; d’une part le démantèlement de la Direction centrale des renseignements généraux (DCRG), de l’autre le renforcement de facto de ce qui fut la Direction de la surveillance du territoire (DST).
Loin de procéder d’une réflexion approfondie sur les besoins de moderniser les structures existantes ou d’adapter nos réponses aux nouvelles menaces, cette profonde réorganisation du renseignement intérieur n’a été en réalité motivée que par la seule volonté du président de la République d’en reprendre le contrôle.
Jean-Jacques Urvoas démontre comment la création de la DCRI et de la SDIG, réforme d’essence politique, mal préparée, conduite dans la précipitation, s’est traduite par une désorganisation et un affaiblissement sur le terrain des capacités de travail de nombreux services.
La naissance de ce que certains ont pu abusivement appelé un « FBI à la française » n’a pas seulement conduit à la suppression de la DCRG en tant que structure administrative, elle a été conçue comme une absorption lente des ex-RG, et l’abandon progressif de la culture et du métier « RG ».
Sous-dimensionnée, la SDIG, qui ne dispose que du tiers des effectifs des anciens RG, accumule depuis sa création les handicaps et carences.
A la faiblesse des moyens dont on l’a dotés dès le départ, s’ajoute une intégration au sein de la Direction centrale de la sécurité publique (DCSP), en forme de mise sous tutelle, dont les effets négatifs sont aujourd’hui avérés.
En rattachant aux directions départementales de la sécurité publique les agents des ex-RG, on a en effet organisé la perte de nombreux savoir-faire (renseignement économique et sociétal), dénaturé ce qui faisait la spécificité de agents en charge de l’information générale, et finalement cassé un outil précieux de collecte du renseignement intérieur.
Finalement, l’immersion de l’information générale au sein de la DSCP conduit à la survalorisation de la composante sécurité publique et à un inévitable « choc des cultures qui conduit à la démotivation » des agents des ex-RG. Mal positionnée puisque noyée et confondue avec l’activité policière quotidienne, la SDIG souffre également de l’absence de toute définition précise de son périmètre de compétences, la frontière « renseignement ouvert / fermé » ne constituant aucunement sur le terrain une séparation claire et opérante.
Jean-Jacques Urvoas décrit une organisation qui conduit au chevauchement des compétences entre SDIG et DCRI, en même temps qu’au déclassement de la première au profit de la seconde. Pour lui, les agents de l’Information générale se vivent de plus en plus comme des forces reléguées au second rôle, comme des « forces supplétives » tandis que la DCRI se retranche derrière « les hauts murs de sa puissance», et « la proximité de son chef avec les hautes sphères de l’Etat ».
En définitive, la réforme de 2008 a eu pour conséquence de désorganiser le renseignement français, en créant une SDIG totalement affaiblie face à l’omnipotente DCRI, dépendante d’une DSCP qui la marginalise, et concurrencée par la gendarmerie nationale qui construit sa propre filière renseignement.
Au terme de cette description minutieuse des dysfonctionnements du système actuel, Jean-Jacques Urvoas présente les trois voies qu’il est possible à la gauche d’emprunter pour reconstruire le renseignement intérieur en France : la création d’un service de renseignement de proximité, l’intégration des missions de l’information générale dans une Direction générale de la sécurité intérieure ou la construction d’une Direction générale du renseignement.

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