Les socialistes et la défense

Les problèmes de défense et de sécurité ont souvent été négligés à gauche au cours de l’histoire. Soit celle-ci s’est laissée aller à des réflexes conditionnés de type pacifiste, soit elle a abandonné toute réflexion pour reprendre la même politique que les forces de droite, notamment lors des guerres coloniales.

Depuis sa Convention Défense de 1978, le Parti socialiste n’a pas publié de document de synthèse sur sa réflexion dans les différents domaines relatifs à la défense et à la sécurité. Il est vrai qu’à partir de 1981, les socialistes ont été souvent au pouvoir, soit à l’Élysée, soit à Matignon, soit les deux à la fois, et qu’il est plus facile de théoriser quand on est dans l’opposition. De plus, la gestion gouvernementale se fait, nécessairement, par touches successives. De nombreuses réformes ont eu lieu, mais leur lisibilité n’a pas toujours été très grande. Et ceci est encore plus vrai en période de cohabitation. Et pourtant, que de changements depuis 1981 !

Avec le recul, si l’on examine la situation dans laquelle se trouve aujourd’hui la politique de défense de
la France et ce qu’elle était avant l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand, on constate des évolutions considérables : la situation géostratégique globale a été bouleversée avec la chute de mur de Berlin, l’effondrement de l’Union soviétique, la fin de la division de l’Europe. Les gouvernements socialistes successifs ont été les premiers à en tenir compte et à mettre en place des forces spécifiques dites d’intervention rapide, concept qui a été, depuis, largement repris par nos alliés. Cette évolution a entraîné, entre autres, la fin de la conscription. D’autres changements importants ont eu lieu avec notamment le refus d’intervenir en Afrique et d’apporter un soutien militaire aux régimes non démocratiques ou les plus autoritaires.

La France est désormais à la pointe de la politique mondiale de désarmement multilatéral et négocié pour les armes chimiques et bactériologiques, pour les armes nucléaires, pour les mines antipersonnel et pour les armes conventionnelles. Les forces françaises sont présentes dans de nombreux points du globe, non plus pour défendre les anciennes colonies, mais pour préserver la paix au nom des Nations- Unies. Dans un autre domaine, nos forces armées ont pris de l’avance sur beaucoup de nos voisins en s’engageant avec détermination dans la voie de l’ouverture aux femmes.

Enfin, la France s’est manifestée activement en faveur d’une défense européenne organisée et efficace, ce qui n’est pas une mince affaire si l’on pense au drame que fut, il y a 50 ans, l’échec de la Communauté Européenne de Défense.

Cependant, si l’on demandait aux Français, ou même aux socialistes, dans quel domaine la politique de la France a changé sous l’impulsion des gouvernements de gauche depuis vingt ans, la plupart d’entre eux hésiteraient à citer les problèmes de sécurité et de défense.

Il est indiscutable que le Parti socialiste a su intégrer les questions de défense dans sa réflexion et que les vieux débats sur l’antimilitarisme, le pacifisme ou les dérives néo-coloniales ne sont plus d’actualité. Nous devons cependant nous efforcer de synthétiser notre pensée. C’est ce que fit Jean Jaurès au début du siècle et une partie de son enseignement reste d’actualité. Ce fut encore le cas lorsque les socialistes se prononcèrent pour la dissuasion ou qu’ils réfléchirent à une politique cohérente de paix et de désarmement.

A
vec la chute du mur de Berlin, la situation a été bouleversée et les schémas sécuritaires de la guerre froide ne sont plus de mise. Il n’y a pas aujourd’hui, semble-t-il, de clivage important entre socialistes sur les questions de défense, mais cela ne justifie pas qu’on cesse d’y réfléchir. L’ampleur des évolutions dans le monde et la nécessité d’un certain recul par rapport aux événements internationaux justifient la contribution que nous apportons ici à la nécessaire réflexion des socialistes sur la politique française de défense.

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