Rwanda : Bisesero, étude de cas

A l’approche de la vingtième commémoration du génocide des Rwandais tutsis, Serge Dupuis décryptant les événements de Bisesero et en soulignant toute la complexité, montre comment la thèse de la complicité de la France dans le génocide a été construite et doit être considérablement nuancée.

A l’approche de la commémoration du vingtième anniversaire du génocide des Rwandais tutsis, Serge Dupuis décrypte les événements de Bisesero de juin 1994 et montre comment la thèse de la complicité de la France dans le génocide a été construite et doit donc être considérablement nuancée, soulignant toute la complexité dans l’analyse de cet événement.
Dans le contexte de guerre civile en octobre 1990 à la suite de la rébellion du FPR, de l’assassinat du président Habyarimana et le début des massacres des Tutsis, la France a apporté son soutien politique, diplomatique, financier et militaire au régime. L’auteur évoque l’erreur des dirigeants français dans l’analyse du conflit : pour eux, le génocide résultait d’un conflit interethnique et le soutien aux FAR permettait de maintenir l’influence française dans la région de l’Afrique des Grands Lacs. Ce soutien a alors pu laisser penser qu’ils reconnaissaient comme légitime un régime qui commettait un génocide.
C’est pourquoi certains ont soutenu que la France avait joué un rôle et avait été complice du génocide rwandais. Ainsi, la France aurait aidé politiquement et militairement les extrémistes hutus à réaliser ce dessein, aurait lancé l’opération Turquoise pour protéger les forces du génocide et aurait contribué aux massacres en collaborant avec les autorités locales.
Serge Dupuis s’intéresse à l’épisode de Bisesero qui correspond à un lieu de résistance des Tutsis aux pogroms. En juin 1994, ils n’étaient plus que 1000 à 2000 en raison des massacres. Le 27 juin, le lieutenant-colonel Duval constate les massacres à Bisesero et informe le colonel Rosier. Le capitaine de corvette Gillier est alerté par les journalistes mais il n’interviendra pas, tenu par le mandat onusien. Jusqu’au 30 juin, aucune opération n’est lancée.
Cet épisode a été instrumentalisé pour étayer les accusations portées contre la France: l’état-major se serait entendu avec le gouvernement intérimaire rwandais pour qu’ils finissent les massacres, aidés des militaires français. Mais l’auteur revient sur les contraintes opérationnelles de l’opération Turquoise. Durant l’épisode de Bisesero, la prudence était de rigueur en raison de la nature de la mission, du terrain et de la présence des rebelles bien plus nombreux d’après les informations dont ils disposaient.
Pendant dix ans, aucune accusation n’a été portée contre l’armée française. En 2004, lorsque le juge Bruguière boucle son enquête sur l’assassinat du président Habyarimana accusant le FPR de l’avoir commandité, les témoignages à charge contre la France affluent jusqu’à la publication du rapport Mucyo en 2008. Mais ces derniers manquent de crédibilité en raison de l’absence de méthodologie dans le traitement qui en a été fait et des pressions exercées par le régime rwandais. Tous ces éléments s’inscrivent dans la stratégie de diabolisation de la France effectuée par le FPR et montrent comment l’Histoire peut être réécrite.

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