Vers une réorientation des politiques énergétiques dans les DOM

La situation des collectivités que l’on désignera DOM par choix éditorial, même si bon nombre des observations s’appliquent aux TOM qui justifierait une autre étude, est substantiellement différente de la métropole. Il convient d’abord de rappeler que de par leur situation majoritairement en zone tropicale et littorale, ces territoires seront en première ligne pour affronter les phénomènes extrêmes générés par le changement climatique. Par ailleurs ces départements, s’ils ne disposent pas de ressources fossiles locales, présentent des caractéristiques géographiques et climatiques, notamment leur taux d’ensoleillement, la régularité et la force des vents, le potentiel important en matière de ressources géothermiques, la présence importante de la mer, qui les rendent particulièrement adaptés au développement des énergies renouvelables (EnR) et peuvent en faire des pilotes de solutions qui seront ensuite transposées en France.

Aujourd’hui, les systèmes électriques des DOM se caractérisent par un coût moyen pondéré de production de 0,20 à 0,25 €/kWh, alors que le prix moyen de vente aux consommateurs, aligné sur les tarifs régulés de la métropole,  est d’environ la moitié de ce coût de production.

La différence entre le prix de vente et le coût de production est compensée par la Contribution au service public de l’électricité (CSPE), payée par tous les consommateurs français.

Ce dispositif  constitue une subvention directe aux consommateurs, indépendamment de leurs usages, et favorise le gaspillage et les consommations inutiles ; il n’incite pas aux économies d’énergie et masque la compétitivité réelle des ENR dont le coût de production est souvent inférieur à 0,20 €/kWh.

Il convient de sortir de ce système pervers.

Nos propositions :

  1. La première consisterait, au-delà d’un quota social, à augmenter progressivement les tarifs de l’électricité pour atteindre, pour la tranche supérieure,  un prix de vente au moins égal au coût moyen de production. L’esprit de cette proposition est d’éviter des transferts (subventions) à des consommateurs qui n‘en ont pas les besoin et d’inciter à des comportements économiques plus satisfaisants. Pour les particuliers: 

Les économies ainsi dégagées pour la CSPE seraient redistribuées localement vers le financement de l’aide apportée aux précaires énergétiques, le développement de filières régionales de production et distribution d’énergies renouvelables, le financement de l’aide au logement, le logement social, l’éducation,  ou un allégement des charges sociales. Les moyens ainsi libérés seraient en mesure de répondre directement à la mauvaise situation économique et sociale dans les DOM, de créer des activités à forte valeur ajoutée, et des emplois qualifiés.

  1. Pour les installations photovoltaïques sur toitures : relever le seuil d’éligibilité au tarif de rachat à 250 kWc (vs 100 kWc aujourd’hui) pour inciter  au développement de plus grosses installations, sachant que de nombreuses toitures de bâtiments tertiaires sont disponibles dans les DOM avec un potentiel de 200 à 250 kWc par toiture,
  2. La forte diminution du coût des équipements PV et éolien rend de plus en plus économique l’alimentation autonome en ENR des sites isolés par rapport à une extension du réseau ; le coût des installations autonomes se caractérise cependant par un montant d’investissement élevé et des coûts de maintenance faibles. Notre proposition : rétablir le mécanisme de défiscalisation Girardin pour les seules installations non connectées au réseau public (sites isolés).
  3. Compte-tenu du volume de projets ENR déjà raccordés et à venir, et de la plus grande fragilité des systèmes électriques insulaires, les questions liées à leur gestion intelligente et à leur stockage se posent avec encore plus d’acuité qu’en Métropole. Des projets de développement de « Smart Grids », pouvant faire des DOM une vitrine technologique, existent, tandis que, dans les différents DOM, plusieurs start-up locales sont engagées dans le développement et la gestion d’architectures innovantes associant, au sein d’un micro-réseau, des générateurs PV, des groupes électrogènes, et des dispositifs de stockage d’énergie. Cependant, ces projets demandent des financements importants, qu’elles ont du mal à réunir. Notre proposition : accompagner ces start-up dans la recherche des financements et des garanties indispensables à leur développement, via la banque publique d’investissement (BPI). 
  4. Les DOM présentent des caractéristiques géographiques et électriques qui peuvent faire d’eux des zones d’expérimentation intéressantes. Nos propositions :
  • Favoriser la réalisation de STEPS marines, qui peuvent, malgré leur coût de développement important, trouver dans ces territoires une justification spécifique.
  • Favoriser les modes de production marine : éolien posé et flottant, hydrolien, houlomoteur, énergie thermique des mers.
  • Encourager les  modes innovants de stockage : chaleur, stockage chimique, énergie potentielle et STEP3, air comprimé, hydrogène ou ses dérivés.

Des appels à projets spécifiques aux DOM devraient être lancés par l’Etat dans ces différents domaines.

 

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