Wyoming, bastion républicain

Malgré le contexte sanitaire très critique aux États-Unis, la campagne électorale se poursuit et le retrait des primaires démocrates de Bernie Sanders a fait de Joe Biden l’adversaire de Donald Trump en novembre prochain. À l’approche du scrutin, Renan-Abhinav Moog propose une analyse électorale historique de différents États, afin de saisir les rapports de force politiques locaux, décisifs quant à l’issue du scrutin fédéral. Après le Vermont, l’Alaska, la Floride, le Texas et la Californie, sixième volet : le Wyoming.

Coincé entre le Montana au Nord et le Colorado au Sud, le Wyoming est le dixième plus grand État du pays en termes de superficie. Mais il est également, avec moins de 580 000 habitants, le plus faiblement peuplé. Il l’est d’ailleurs si peu que pas moins de 31 villes américaines le surpassent. Sa capitale – et également sa ville la plus peuplée –, Cheyenne, ne compte que 64 000 habitants. Lors de son admission dans l’Union, en 1890, l’État comptait moins de 63 000 habitants. En conséquence, le Wyoming n’a jamais eu que 3 grands électeurs, soit le minimum qu’un État puisse avoir.

Le Wyoming a la particularité – qu’il partage avec le Colorado voisin – d’avoir une forme originale : ses contours épousent la forme d’un parfait rectangle.

Il compte une population amérindienne importante, dont 58,5% vit dans la réserve de Wind River, qui représente à elle seule 3,55% de sa superficie et est la cinquième réserve la plus peuplée du pays avec ses 27 000 habitants.

L’immense majorité du territoire du Wyoming est traversée par les Montagnes rocheuses, tandis que le tiers Est fait partie des Great Plains, qui s’étendent du sud du Canada jusqu’au Texas.

L’économie locale repose avant tout sur l’extraction minière, notamment du pétrole, du gaz naturel, du trona (dont le premier gisement mondial se trouve dans l’État) et du charbon. Mais la présence, au nord-ouest, des deux parcs nationaux de Grand Teton et Yellowstone procure au Wyoming d’importantes ressources touristiques.

Politiquement, le Wyoming est à l’image du Far West : un fief incontesté du Parti républicain. De 1944 à 2016, les démocrates ne l’ont emporté que deux fois, en 1948 avec la victoire d’Harry Truman, puis en 1964 avec Lyndon B. Johnson. Depuis, le meilleur score démocrate remonte à 1976, lorsque Jimmy Carter y avait frôlé les 40%. La Chambre des représentants du Wyoming n’a plus été contrôlée par les démocrates depuis 1966, le Sénat du Wyoming depuis 1938.

En 1968, Richard Nixon remporte largement le Wyoming, avec 55,88%, soit une marge de victoire de 20,2 points, faisant de l’État le cinquième plus républicain du pays, derrière ses voisins du Nebraska, de l’Idaho, de l’Utah et du North Dakota. Il devance son concurrent démocrate, Hubert Humphrey, dans 21 des 23 comtés.

En 1972, obtenant 69% des voix, Richard Nixon balaye son adversaire – pourtant élu du South Dakota voisin –, George McGovern. Il est le premier républicain à remporter l’ensemble des comtés du Wyoming depuis 1920, y compris Sweetwater County, qui votait constamment démocrate depuis 1928. Malgré ses 69%, le Wyoming n’offre que son neuvième meilleur score à Nixon, qui va jusqu’à dépasser les 78% dans le Mississippi.

Quatre ans plus tard, Gerald Ford remporte l’État, avec un score toutefois en retrait de 10 points. Ce recul permet au démocrate Jimmy Carter de signer la meilleure performance démocrate depuis 1964, avec 39,8%. Jimmy Carter remporte le comté de Sweetwater avec 52,7%, tandis que Gerald Ford remporte les 22 autres comtés. Le même jour, le sénateur démocrate sortant, Gale McGee, en place depuis dix-huit ans et qui était candidat à un quatrième mandat, mord la poussière face au candidat républicain, Malcolm Wallop, avec 45,4% contre 54,6%. Plus aucun démocrate ne sera dès lors élu pour représenter le Wyoming au Sénat.

En 1978, alors que le sortant Teno Roncalio, élu depuis 1970, ne se représente pas, le GOP (Grand Old Party, Parti républicain) remporte le siège à la Chambre des représentants. Depuis cette date, aucun démocrate n’a été désigné par les Wyomingites pour les représenter à Washington. Le président Carter recule très fortement, pour finir à 28% en 1980. Face à lui, Ronald Reagan obtient 62,6% et remporte l’ensemble des comtés. Il dépasse les 70% dans 10 des 23 comtés.

Quatre ans plus tard, Walter Mondale, partisan du contrôle des armes à feu, fait à peine mieux que Jimmy Carter avec 28,2%. Ronald Reagan, de son côté, bondit à 70,5%. Il remporte l’intégralité des 23 comtés, avec des scores allant de 60,4% à Albany jusqu’à 83,9% à Campbell.

En 1988, Michael Dukakis remonte à 38%, tandis que George H. Bush obtient dix points de moins que Ronald Reagan quatre ans auparavant. Cette remontée démocrate n’est toutefois pas suffisante pour remporter le moindre comté, même si ceux de Sweetwater (49% contre 49,5%) et d’Albany (48,4% contre 49,9%) sont particulièrement disputés. À Laramie, siège du comté d’Albany, se trouve l’Université du Wyoming.

La triangulaire avec l’indépendant Ross Perot en 1992 ne permet pas aux démocrates de créer la surprise en faisant basculer l’État. Toutefois, l’élection est la plus serrée depuis 1948. George Bush père remporte 39,7%, devançant de 11 200 voix Bill Clinton (34,1%), tandis que Ross Perot décroche 25,6%. Bill Clinton remporte ainsi 5 comtés : Sweetriver, Carbon et Albany, frontaliers du Colorado, Natrona, deuxième comté le plus peuplé de l’État, et Teton, où se situe l’intégralité du Grand Teton National Park et plus de 40% du Yellowstone National Park.

L’effondrement de Ross Perot en 1996 profite au républicain Bob Dole, qui obtient 49,8% contre 36,8% à Bill Clinton, qui s’impose dans les comtés de Teton, Sweetwater et Albany.

En 2000, sur le ticket GOP, figure Dick Cheney, qui fut représentant du district at-large du Wyoming de 1979 à 1989. Sa présence permet à George W. Bush de surpasser largement Al Gore, avec 67,8% des voix contre 27,7%. George Bush remporte l’intégralité des comtés avec des scores allant de 56,4% (Teton County) à 84,6% (Crook County). Ce sera toutefois la dernière fois que le GOP réussira le grand chelem.

En effet, en 2004, malgré ses 68,9% – faisant du Wyoming le deuxième meilleur État pour le GOP après l’Utah –, George Bush laisse Teton County filer entre les mains de John Kerry.

En 2008, Barack Obama réussit à dépasser les 32,5% et à remporter deux comtés, Albany et Teton. John McCain, de son côté, obtient 64,8%, son deuxième meilleur score après l’Oklahoma.

Quatre ans plus tard, Barack Obama descend sous la barre des 28%, tandis que l’État, avec 68,6%, offre à Mitt Romney son deuxième meilleur score après l’Utah. Malgré sa forte population étudiante, le comté d’Albany préfère Mitt Romney à Barack Obama par 48% contre 45,4%. Seul Teton County vote pour le président sortant.

En 2016, Donald Trump régresse légèrement à 67,4%, tandis qu’Hillary Clinton décroche : avec seulement 21,9%, elle signe la pire performance démocrate depuis que le Wyoming participe aux scrutins présidentiels. La marge de victoire de Donald Trump – 46,3% – est la meilleure de tous les États-Unis.

La principale force des démocrates est d’avoir occupé le poste de gouverneur pendant un temps assez long. En 1974, l’ancien représentant Edgar Herschler l’emporte avec 55,9% contre 44,1% au républicain Dick Jones. Il est réélu en 1978 avec un score beaucoup plus étriqué : il remporte 50,9% mais tout de même 10 des 23 comtés. Edgar Herschler est à nouveau réélu dans un fauteuil en 1982, avec 63,1% et 21 comtés.

En 1986, en pleine présidence Reagan, quand Edgar Herschler choisit de ne pas se représenter pour un quatrième mandat, c’est un autre démocrate, Mike Sullivan, qui lui succède facilement, en remportant 54% des voix contre 46% au républicain Pete Simpson. Mike Sullivan est triomphalement réélu en 1990 avec 65,4% et la victoire dans 21 des 23 comtés. La loi ayant changé en 1992, Mike Sullivan ne peut concourir à un troisième mandat en 1994. Le siège de gouverneur passe aux mains des républicains, avec la victoire de Jim Geringer, facilement réélu en 1998.

En 2002, deux ans après l’excellent score de George W. Bush dans le Wyoming, les démocrates remportent le scrutin : Dave Freudenthal obtient 50% des voix contre 47,9% au républicain Eli Bebout. Très populaire, Dave Freudenthal est reconduit dans un raz-de-marée en 2006 : avec 70%, il s’impose dans l’intégralité des 23 comtés, chose que n’avaient pas réalisée les démocrates depuis 1910. Cette élection est la dernière remportée par un candidat démocrate. Cette même année, le démocrate Gary Trauner manque de remporter l’élection pour le poste de représentant. Il obtient finalement 47,8% contre 48,3% à la sortante GOP Barbara Cubin.

Depuis 2008, aucun démocrate n’est parvenu à dépasser les 30% dans cet État, qui confirme sa place sur le podium des États les plus fortement républicains.

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