Sénégal : la candidature présidentielle de trop

Le 26 février 2012, le président sénégalais sortant Abdoulaye Wade brigue un troisième mandat, passant outre la Constitution sénégalaise et l’engagement qu’il avait auparavant pris, publiquement, de ne pas se représenter. Une démarche qui aggrave encore la crise de confiance entre le président et son peuple.

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Alors qu’il s’était engagé en 2007 à ne pas briguer de nouveau la présidence en 2012 et que la Constitution autorise deux mandats seulement, Abdoulaye Wade est néanmoins candidat pour un troisième mandat présidentiel.
Cette candidature n’est néanmoins pas une surprise pour la classe politique sénégalaise. La tentative de révision de la Constitution en juin 2011, voulant instaurer une présidentielle à un tour, n’a échoué que face à une forte pression populaire. Et c’est le Conseil constitutionnel lui-même qui autorise Abdoulaye Wade à passer outre la contrainte démocratique qu’est la Constitution. Il est vrai que le président en a nommé les cinq membres.
Cette énième dérive s’inscrit dans une longue série qui a marqué la décennie Wade et explique le divorce entre l’homme fort de Dakar et sa population.
Elu président en 2000 grâce au soutien de l’opposition, bien que largement devancé au premier tour, Abdoulaye Wade a vu dans son élection un blanc-seing du peuple sénégalais, alors que celle-ci marquait surtout une volonté de changement après dix-neuf ans de présidence d’Abdou Diouf. Depuis lors, Abdoulaye Wade affiche néanmoins un mépris constant envers l’opposition, voire envers son propre camp ; ainsi en 2004, affirme-t-il ne trouver personne, ni dans l’opposition ni dans ses rangs, qui soit susceptible de lui succéder.

Autre dérive fondamentale : la création autour du président Wade d’une caste familiale et clanique, concentrant l’essentiel des pouvoirs et des leviers économiques du pays. Ainsi, son fils Karim dispose aujourd’hui de quatre portefeuilles ministériels, qui pèsent 35 % des revenus du pays. La multiplication des clientélismes et des manipulations constitutionnelles pour se maintenir au pouvoir (une quinzaine de révisions en onze ans), alors que la situation économique et sociale du pays se dégrade, et la tentative d’instauration d’un pouvoir dynastique ont fini par entériner le divorce entre Wade et les Sénégalais.
Les violences qui ont jalonné la journée du 23 juin 2011 sont devenues le symbole de cette rupture avec une frange importante de la population sénégalaise. L’unité affichée par nombre de leaders de l’opposition qui, avec une organisation et une plateforme programmatique communes – Benno Siggil Senegaal, avaient obtenu des victoires significatives aux élections locales de 2009, aurait pu constituer une alternative possible si l’idée d’une candidature unique avait abouti. Mais sans préjuger du scrutin du 26 février prochain, il est acquis que la candidature d’Abdoulaye Wade à un troisième mandat, qui l’amènerait en 2019 à l’âge de 92 ans, est porteuse de tous les dangers pour la stabilité du Sénégal.

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